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réel et ce qu’il appelait la prophétie de la nature humaine. Le christianisme présentait ainsi une valeur permanente, en ce sens que, produit d’un long travail de l’esprit divin dans l’humanité, il montrait, réalisée dans la conscience et la vie de son fondateur, la substance de la religion définitive, — définitive, disait-il, parce qu’elle est humaine dans la plus haute signification de ce terme et que l’homme devrait cesser d’être homme, s’il voulait ne pas s’en approprier les principes essentiels. Il est vrai que, guidé par la critique historique, il avait considérablement simplifié ce que l’on entend d’ordinaire par christianisme. Il ne voulait décerner ce nom qu’à la religion telle que Jésus lui-même l’avait conçue et pratiquée, et il avait constaté que, d’après les sources les plus authentiques, le Christ avait, non pas révélé des doctrines insondables, établi des rites surnaturels, mais simplement montré de parole et d’exemple la voie de la perfection religieuse et morale.

Le christianisme essentiel est en somme, selon Parker, la confirmation donnée par l’esprit divin, parlant dans la conscience humaine épanouie, des trois intuitions instinctives qu’il y avait semées, et qui s’y trouvaient virtuellement impliquées dès l’origine : Dieu, le devoir et l’immortalité. Sa supériorité sur toute philosophie, ce qui, à vraiment dire, en fait une religion, la religion elle-même, c’est qu’il est un fait spontané de la nature humaine, et non une théorie abstraite. Tels sont, en quelques mots, les cadres que Parker s’attachait à remplir de tout ce que sa remarquable érudition lui fournissait d’argumens, de considérations de toute sorte, empruntés à l’histoire, aux sciences naturelles, à la philosophie, à la Bible, à la critique, au sens intime. Au fond, nous n’y trouvons rien de précisément nouveau, en ce sens que depuis plusieurs années des vues analogues se sont fait jour dans la science religieuse partout où elle est libre. Cependant il faut observer que Parker les énonçait déjà avec une hardiesse et une précision étonnantes dans un temps où personne encore en Europe n’avait songé à en faire un corps de doctrines aussi concret et aussi applicable à la vie religieuse du grand nombre. Ce n’est pas avec cette intrépidité que l’excellent Channing se taillait dans les murs de la foi traditionnelle un modeste réduit, auquel il ne demandait qu’une chose, la vue directe sur l’amour de Dieu et sur le cœur humain. Ce n’est pas avec cette clarté de dessein et d’opération que Schleiermacher et les laborieux théologiens de son école élevaient les constructions d’ordre composite où la pensée moderne et les vieux dogmes se confondaient au prix de tant de peines et parfois de subtilité.

Cependant, même en se plaçant au point de vue de Parker, on est en droit de se demander s’il a réalisé complètement le programme