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il reconnaît sa volonté, sa sagesse infinie dans l’ordre régulier des choses ; mais le miracle, l’intervention surnaturelle de Dieu dans la série logique des effets et des causes, lui devient, selon sa propre expression, aussi impossible à accepter que la notion d’une circonférence triangulaire. Ce que la critique allemande vient surtout détruire dans son esprit, ce sont les idées traditionnelles sur l’origine et la formation miraculeuses du recueil biblique. Les prophéties ne sont pas des prédictions. Le canon est l’œuvre d’hommes faillibles. Le Nouveau Testament ne prêche pas la même religion que l’Ancien, ou du moins c’est à la condition de rejeter la plus grande partie des enseignemens de celui-ci qu’on y retrouve celui-là. Bien plus : la critique lui démontre jusqu’à l’évidence que chacun des auteurs dont on a réuni les écrits dans le recueil sacré a sa doctrine spéciale, que ces diversités inconciliables concernent précisément les points les plus débattus de la théologie actuelle, la nature du Christ, celle de l’homme, la rédemption, la vie future, etc., et qu’ainsi il est puéril de vouloir caser à toute force ces enseignemens divergens dans un cadre unique.

Cependant Parker était de ces âmes qui ont horreur du vide. En réfléchissant sur la nature religieuse de l’homme, il se trouva pour ainsi dire avec surprise plus chrétien que jamais. Il comprit que la religion absolue avait été promulguée et réalisée en principe par Jésus de Nazareth. La certitude de Parker à cet égard reposait sur l’accord essentiel des grandes vérités religieuses et morales que le Christ avait puisées dans son âme, reflet du Dieu vivant, avec les aspirations les plus nobles et les plus pures de la nature humaine. Ramener le christianisme traditionnel à l’extrême simplicité qu’il avait dans la conscience du Christ lui-même, et appliquer les innombrables conséquences de ce fécond principe à l’état, à l’église, à la famille, à l’individu, c’était à ses yeux le meilleur moyen de faire éclore dans cette nature humaine les beaux et bons germes latens dans ses profondeurs, mais encore enfouis sous tant d’égoïsme et de corruption ; réciproquement, ramener l’homme à lui-même, à sa nature essentielle, à ses besoins supérieurs, c’était la véritable préparation au christianisme selon le cœur du Christ. Dès lors ce n’était ni dans des rites, ni dans des dogmes abstraits que consistait la religion absolue. Il fallait rompre avec l’habitude d’opposer l’une à l’autre la religion et la morale, la foi et la science. De même que le Dieu vraiment infini fait circuler sa vie dans l’univers entier, — du globe céleste au grain de sable, — de même le principe chrétien d’amour fraternel et d’élan vers l’idéal doit se ramifier à l’infini dans la vie sociale et individuelle et élever chacun des actes de la vie journalière à la dignité d’une prière.