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d’hiver, qui domine ici, n’est ni le seigle comme dans les Flandres, ni le froment comme dans la Hesbaye, mais l’épeautre, que les habitans de la contrée appellent grain, comme s’il l’était par excellence. Cette espèce de blé, la plus anciennement cultivée de toutes, croit-on, présente l’inconvénient d’avoir un épi armé de balles épaisses, dures et adhérentes, qu’il faut enlever par des opérations préalables avant la mouture. Toutefois l’épeautre résiste mieux que le froment aux hivers froids et humides ; il se contente d’un sol moins fumé et moins bien préparé, et donne encore un pain léger, blanc et nourrissant. Le produit moyen est par hectare de 28 hectolitres de grain en balles, et la balle ne pèse que 42 kilos par hectolitre, c’est-à-dire à peine plus de la moitié du poids du froment. La céréale du printemps, l’avoine, donne aussi un médiocre rendement, 20 hectolitres par hectare, chiffre bien faible quand on le compare au produit obtenu en Flandre, où il monte au double. La tige de ces deux plantes reste petite et ne s’élève point au-dessus de la moitié de la hauteur qu’atteignent les céréales dans la région sablonneuse, ce qui fait que la paille est relativement peu abondante. L’épeautre et l’avoine forment le produit principal des fermes, le seigle n’arrive qu’en troisième ligne ; mais comme on en apprécie la longue paille, qui donne beaucoup de fumier, les terres où il vient bien sont regardées comme étant de qualité supérieure. On ne plante de pommes de terre que pour la consommation domestique. Les cultures industrielles sont inconnues, et il ne peut être question ici de secondes récoltes, puisque, loin de porter deux fruits la même année, une partie de la terre arable ne donne qu’un seul produit en deux ans. On ne sème guère non plus de racines fourragères, ni carottes, ni betteraves, ni navets. La paille et le foin sans mélange de nourriture verte forment donc l’unique ressource de l’étable pendant l’hiver ; aussi les prairies sont-elles très recherchées et donnent-elles aux fermes leur plus sûre valeur. Dans les fonds, enrichis par les détritus que les eaux ont enlevés aux collines, se déroulent des prés excellens, quoique un peu humides, ainsi que l’indiquent les nombreuses colchiques qui à l’automne les émaillent du pâle violet de leurs corolles. Malgré les deux coupes de foin qu’elles livrent, ces prairies naturelles ne peuvent obvier à l’insuffisance des récoltes fourragères, et nécessairement le revenu de l’étable s’en ressent. Le beurre et le fromage, qui font la richesse des Flandres et de la Hollande, ne forment ici qu’un produit tout à fait accessoire.

La disproportion entre le nombre des bêtes à cornes et celui