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avant de parcourir les plateaux moins rians, de la Haute-Belgique, arrêtons-nous un moment aux bords pittoresques de la Meuse et de l’un de ses affluens, où deux branches intéressantes de la production agricole appellent l’attention : la culture de la vigne et la fabrication des pailles tressées.

Entrée de France en Belgique par la brèche profonde et sauvage de Fumay, la Meuse coule presque constamment jusqu’au-delà de Liège dans un lit bordé de rochers à pic d’un schiste noirâtre ou d’un calcaire doré par la rouille du minerai de fer et de zinc. Ce double escarpement protège contre la rigueur des vents la vallée étroite où serpente la rivière, et y produit une température exceptionnelle. Aussi les fruits y mûrissent-ils quinze jours plus tôt que dans le reste du pays. On n’a point négligé de tirer parti de cet avantage, et comme les rochers sombres qui encadrent ce jardin naturel concentrent la chaleur du soleil aussi bien que de gigantesques murs d’espalier, on a planté des ceps de vigne partout où la déclivité de la montagne le permettait, tantôt dans les détritus retenus par les anfractuosités du sous-sol, tantôt dans de l’humus rapporté et soutenu par des terrasses. Les meilleurs clos sont ceux qu’on a créés à force de soins et d’avances parmi les rochers qui couronnent les villes de Huy et de Dinant, ou qui dominent les faubourgs de Liège. Cependant, même sur les côtes le mieux exposées, le vin a un goût de terroir assez prononcé qu’on attribue aux feuillets de schiste dont on couvre le sol pour obtenir la réverbération des rayons du soleil. Ce vin est généralement bu sur les lieux mêmes, et le prix n’en dépasse guère 1 franc le litre. On en trouve un débit plus avantageux depuis qu’on le convertit en vins mousseux assez agréables.

Si la Meuse s’efforce inutilement de lutter contre le Rhin pour la culture de la vigne, la vallée d’un de ses affluens, le Jaër, parvient à faire concurrence à la Toscane pour la fabrication de la paille tressée. Rien de plus intéressant que cette modeste industrie agricole, dont les produits élégans, recherchés par toutes les capitales de l’Europe et même de l’Amérique, font la richesse de vingt communes perdues sur les frontières du pays, qui en connaît à peine l’existence. Comme il ne se présente pas en Belgique de plus frappant exemple des bienfaits que procure un travail mettant en œuvre au milieu même des champs la matière première qu’on y récolte, on nous permettra d’entrer à ce sujet dans quelques détails.

Lorsqu’une localité se distingue par une production spéciale, c’est presque toujours dans la constitution géologique du sol qu’il faut en chercher la cause ; c’est du moins ici le cas. Les terrains crétacés de Maëstricht, si connus des géologues, se poursuivant dans le bassin du Jaër, donnent aux pailles des céréales certaines qualités particulières,