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française et la triple enceinte des forteresses, ils marcheront sur Paris, sans dévier ni s’arrêter. S’il faut jeter des ponts sur l’Oise, le duc de Wellington prêtera au maréchal Blücher son équipage, l’armée prussienne, dans son impatience, n’ayant pas voulu s’alourdir d’un embarras de ce genre.

Ce plan, semblable à celui d’une incursion, fut aussitôt exécuté. Les deux armées ennemies franchissent la frontière française le 21, et le lendemain, jour de l’abdication, Wellington adresse aux Français une proclamation à la fois douceâtre et barbare. Il y menace d’enlever leurs propriétés à tous ceux qui seront trouvés absens de leur domicile. Par un singulier raffinement, il date cette proclamation de Malplaquet, comme si Waterloo n’eût pas suffi ! Quelques jours plus tard, les gardes anglaises bivaquent à Crécy. C’étaient donc les étapes de nos désastres que suivait l’armée anglaise. Pour le maréchal Blücher, il nous fit grâce au moins de ses proclamations et de ses sourires. Sa haine ne lui permet pas de telles avances. Il garde le silence, tout entier à sa haine, à sa précipitation, à son désir d’arriver le premier au but, de nous couper le premier de l’Oise, le premier de la Somme, et s’il le peut de Paris. Et qui sait s’il n’y réussira pas ? car il a laissé à une journée en arrière l’armée anglaise. Il marche à tire-d’aile par Beaumont et Saint-Quentin sur l’Oise. Il l’atteint le 27 à Compiègne, à Creil, avant les Français. D’Erlon, qui conduit l’avant-garde de l’armée ralliée, arrive une heure trop tard à Compiègne. La route de Paris est fermée ; la ville et les ponts sont déjà occupés par une brigade prussienne. Après un combat d’une heure et demie, par lequel il masque sa retraite, d’Erlon se rejette sur la route de Soissons à Senlis. La même chose était arrivée à d’autres détachemens français lorsqu’ils s’étaient présentés à Creil. Ils avaient trouvé le corps de Bulow qui leur avait barré le passage. Ainsi déjà la ligne de l’Oise était assurée aux Prussiens. Ils avaient leurs grand’gardes le 27 aux environs de Villers-Cotterets.

À Compiègne, à Crespy, à Senlis, on se heurta contre l’ennemi, et dans ces engagemens les corps prussiens, isolés, morcelés par leur marche désordonnée, se trouvèrent aussi compromis que les Français. Les uns et les autres étaient également aventurés, les premiers par une confiance excessive, les seconds par les hasards d’une retraite précipitée. Plus d’une fois les têtes de colonnes prussiennes se trouvèrent enveloppées par ceux qu’elles croyaient cerner ; mais la nécessité de gagner Paris et l’imagination qui grossissait l’ennemi empêchèrent qu’on ne profitât de l’occasion. À Senlis, le général de Sidow, ayant en tête le général Kellermann et en queue le général d’Erlon, parvient à se dégager de cette périlleuse rencontre. À Villers-Cotterets, Pirch, qui surprend Grouchy, est lui-même surpris