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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre 1861.

On ne nous en voudra point si nous subissons la loi de la saison. Nous avons depuis longtemps annoncé que l'été de cette année serait une saison d'universel repos en dépit de la gravité et de l'incertitude des questions engagées sur divers points du monde. L'événement a justifié nos prévisions. Il n'y a pas eu depuis longtemps d'été plus stérile pour la politique que celui qui va finir. Il ne faut certes point regretter cette disette, si l'on songe à la nature des préoccupations qui ont rempli les belles saisons des années précédentes. Le caractère des événemens qui agitaient alors le monde était d'étonner l'imagination, d'exciter une haletante curiosité, d'entretenir l'anxiété, de répandre l'alarme. Ces mouvemens de faits violens tenaient l'opinion publique dans une sorte d'irritation passive, ils l'excitaient sans la féconder, ils la fatiguaient sans provoquer son initiative. Le résultat a été de produire une grande lassitude morale, et notre bonheur consiste aujourd'hui à réparer cette lassitude par l'inertie absolue des idées. Aussi faut-il convenir que notre repos actuel peut être bienfaisant, mais n'a pas l'agrément et la vertu d'un recueillement où l'intelligence conserve encore une activité fertilisante en se repliant sur elle-même. Nous faisons tout bonnement un gros somme matérialiste, et comme la fatigue n'avait pas principalement affecté les parties les plus nobles de notre esprit, nous avons le sommeil lourd. N'en remercions pas moins, puisque aussi bien nous avions besoin d'un calme quelconque, le Dieu clément qui nous a fait ces loisirs. Les événemens et les sujets de discussion faisant défaut, on nous pardonnera de ne point forcer notre talent et de ne pas inventer artificiellement des discussions et des polémiques. Prenons les choses comme elles viennent. Nous avons eu, ces jours passés, la session des conseils-généraux : force a été de s'en apercevoir à la procession d'adresses qui vient de défiler dans notre Moniteur. Nous ne supposons pas que vous ayez lu ces adresses,