Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/503

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas contenue encore dans ses caprices par la puissance moderne de l’opinion publique ; mais aujourd’hui qu’un petit territoire, avec trois millions de sujets rebelles et toujours prêts à renverser le gouvernement et le souverain, soit pour celui-ci une garantie d’indépendance, c’est ce que l’évidence persistante des faits ne permet plus de soutenir. Non-seulement de nos jours cette souveraineté territoriale n’ajoute rien à la sécurité et à l’indépendance du saint-siège, elle ne suffit même plus à protéger la personne du pape, comme on l’a vu en 1849, par la nécessité où fut Pie IX de se réfugier à Gaëte.

Au lieu de cette garantie illusoire, l’Italie, revenant à la conclusion première que l’on tire du danger du conflit des deux autorités et de l’asservissement possible du pontificat et de la religion à l’état, offre au pape une situation exceptionnelle. Elle ne veut point que le pape, vivant chez elle, soit à aucun titre, à aucun degré, sous aucune forme, sujet italien. Elle veut qu’il conserve tous les droits et tous les attributs de la souveraineté personnelle. Sa personne sera inviolable. Il ne sera pas assujetti aux lois du pays. Il ne relèvera d’aucune autorité italienne. En un mot, il conservera tous les droits de la souveraineté qu’il possède aujourd’hui. Ces immunités ne s’arrêteront pas à la personne du pape ; ses ministres, ses coadjuteurs ecclésiastiques, ses nonces, les cardinaux, le conclave, tous ceux qui concourront au gouvernement central de l’église seront couverts de la même inviolabilité. Dans le territoire italien, tout le monde pourra communiquer avec le pape, le pape pourra communiquer avec tout le monde. Aux relations du saint-siège avec le dehors, l’Italie ne mettra aucun obstacle ; il ne subsistera de restrictions à cet égard que celles que les gouvernemens étrangers continueraient chez eux à imposer aux rapports de leurs sujets avec le chef de l’église. Il est incontestable que le pontificat catholique gagnerait beaucoup à ce système au point de vue de son indépendance et de sa sécurité. La plupart des points par lesquels l’indépendance de la papauté peut être aujourd’hui atteinte seraient supprimés : la papauté n’aurait plus à compter avec les intérêts ou les exigences de sujets qui se dérobent à elle ; elle ne serait plus menacée par la violence de populations révoltées, par la convoitise des ambitieux qui ont si souvent tenté de lui ravir ses états. Affranchie des soucis et des servitudes du temporel, elle n’aurait à vaquer qu’à ses vrais devoirs, aux soins que réclame le gouvernement de l’église. N’étant plus un gouvernement italien, la papauté reprendrait son véritable caractère catholique et cosmopolite ; elle pourrait écarter du sacré collège l’élément pseudo-ecclésiastique qui l’a si longtemps dénaturé, et