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tions le chef de l’église, « Je pourrai aux pieds du pontife lui parler, lui dire mes raisons, lui donner même des conseils ; mais je ne lui demanderai pas : quando hæc erunt parce que les heures, les jours, les années de la vie de 1 église ne se trouvent pas dans les almanachs… Nous ne sommes ni de ceux qui voudraient introduire dans le dogme ce qui n’est que temporel, ni de ceux qui, ne pouvant faire déposer le temporel au pape, le poussent je ne sais où. Nous sommes trop éloignés du monde pour nous laisser entraîner par les passions politiques sous l’influence desquelles des voltairiens français sont par enchantement devenus les défenseurs de la papauté, à laquelle ils ne croient point, et d’autres se feraient voltairiens par amour du temporel. E basta ! » La déclaration de ce bon moine du Mont-Cassin nous a paru piquante à recueillir ; mais des autorités plus imposantes auraient du prévenir l’emportement des catholiques français contre la solution de M. de Cavour. Les idées que le père Passaglia était allé porter à Turin au commencement de cette année étaient évidemment conformes à cette solution, et l’ont en grande partie inspirée. Or personne à Rome ne conteste ni l’orthodoxie ni les vertus de ce professeur de l’université de Rome. On sait que ses opinions sur le temporel sont accréditées au sein du clergé romain, on sait qu’elles avaient obtenu l’assentiment de huit ou neuf des cardinaux les plus pieux de la curia ; on sait qu’avant de partir pour Turin, le père Passaglia en avait entretenu le saint-père lui-même, qui aurait pu d’un mot de désapprobation empêcher ce voyage ; on sait aussi, il est vrai, que ce n’est pas à Turin, mais à Rome que la négociation a échoué. Peu importe le revirement qui a pu s’opérer dans l’esprit du pontife : il suffisait que les idées qui ont inspiré la solution indiquée par M. de Cavour soient professées par de dignes membres de l’église italienne, qu’elles aient eu de l’écho, ne fût-ce qu’un jour, dans le sacré collège, que le pape, ne fut-ce qu’un instant, ne les ait pas jugées indignes d’être prises en considération, pour que ces idées méritassent les égards des catholiques français. Les hommes qui se sont chargés en France de la défense des intérêts de l’église ont en cette circonstance commis une faute grave : ils ont retardé la réconciliation du pape avec l’Italie. Dieu fasse qu’ils n’aient pas à regretter un jour de l’avoir rendue impossible par les funestes encouragemens qu’ils ont donnés à la cour de Rome en combattant la seule transaction honorable et praticable qui ait encore été proposée !

Mais c’est à la question pratique que l’on nous attend. Le grand reproche adressé à la proposition de M. de Cavour par les esprits superficiels, c’est d’être irréalisable. L’église libre dans l’état libre ! mais on n’a jamais rien vu de pareil ! La papauté sans pouvoir tem-