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Pie IX. Ils le considéraient comme constituant, même après le retour du pape, l’état légal du pays. Leur vœu pendant la révolution mazzinienne eût été de pouvoir opérer eux-mêmes la restauration du pape, de suivre l’exemple que donnaient en ce moment leurs amis de Toscane, qui, par leurs seules forces, étaient venus à bout de l’anarchie et avaient rappelé à Florence leur souverain : belle conduite dont ils furent récompensés, on le sait, par une invasion autrichienne sans prétexte. Si l’on avait eu alors un peu plus de cette patience que l’on pousse aujourd’hui jusqu’au miracle, si, nous rappelant ce que notre propre histoire nous a enseigné, à savoir que toute invasion étrangère laisse dans la restauration qu’elle accomplit un poison mortel, nous eussions laissé s’user à Rome le gouvernement mazzinien, peut-être eussions-nous vu Pie IX restauré par ses propres sujets et la liberté couronner le nouveau pacte scellé entre la papauté et les Romains ; mais il n’existe plus à Rome un constitutionnel qui ait persévéré dans les illusions de cette époque. Depuis ce temps, tout a changé, le pape non moins que ses sujets. Le Pie IX de 1849 (je parle du prince, non du pontife) n’a pas voulu continuer le Pie IX de 1847. Le ministre qui gouverne sous lui a envenimé à outrance toutes les causes de division qui existent entre le pape et ses sujets, entre Rome et l’esprit moderne. Les événemens ont soulevé sous la forme la plus grave et la plus irritante les questions qui sont l’objet même du dissentiment. Le pape, par ses actes et par ses déclarations, a contracté des engagemens plus inflexibles encore que ceux de ses prédécesseurs ; les Romains, sauf ceux qui sont contenus par la présence de nos troupes, se sont séparés du gouvernement pontifical et sont entrés dans la formation d’un nouveau royaume. Quel recours a-t-on contre la marche décisive des faits ? On compte sur les lenteurs de la procédure pour user le procès ! En attendant, le gage sur lequel devrait porter la transaction espérée est déjà ou dénaturé, ou transformé, ou détruit ; les parties elles-mêmes manquent à la transaction : le pape n’y peut souscrire, car ce qu’on lui demande, c’est de se désavouer ; les populations de ses anciens états se sont mises dans l’impossibilité d’y consentir, puisqu’elles se sont données à un nouveau royaume. On comprend qu’une transaction soit possible entre deux politiques qui, en conservant leur intégrité, gardent leur libre arbitre, entre deux situations demeurées également expectantes ; mais dans la position du pape et dans la position prise par les populations romaines et le royaume d’Italie, les élémens d’une conciliation basée sur la restauration du pouvoir temporel ont cessé d’exister. Pour rendre possible le compromis dont on affecte de ne pas désespérer, il faudrait ramener en Italie les choses au point où elles étaient il y a trois ans.