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remuer la lutte actuelle. A vouloir faire le pontife monarque suprême ou l’empereur pontife, il y a même anachronisme. C’est toujours la confusion du spirituel et du temporel, moins l’excuse de la foi trompée, plus l’odieux du gouvernement des âmes attribué à la tyrannie matérielle. Ce serait une pire anomalie que celle qu’il s’agit d’effacer à Rome. La pensée de conférer la suprématie spirituelle à chaque état est condamnable, même lorsqu’on ne considère que la sinistre influence intérieure qu’elle exercerait sur la nation où serait essayée cette monstrueuse et rétrograde contrefaçon du passé : elle est anti-civilisatrice, si l’on en considère l’effet au point de vue des rapports des nations entre elles. Pourquoi chercher à rompre ce beau lien moral qui réunit les nations, et surtout les nations latines, dans l’unité de la foi catholique ? Est-ce le progrès qui exige que les peuples condensent davantage leur égoïsme et élèvent entre eux de nouvelles barrières ? Même à ne prendre la chose que par le côté humain et politique, pense-t-on qu’il ne soit pas encore possible de tirer un parti magnifique de l’unité et du cosmopolitisme catholique le jour où la contradiction qu’entretient le pouvoir temporel aura disparu, où toutes les forces vives du catholicisme pourront affluer au gouvernement de l’église comme vers un centre commun, où les églises, partout libres ou obligées de conquérir la liberté, pourront sans inconséquence concourir partout aux progrès de la liberté politique ?

Nous mentionnons le système du statu quo sans lui accorder le titre de solution. C’est le système qui a été présenté par les orateurs du gouvernement au corps législatif dans la dernière session ; c’est celui que notre gouvernement n’a pas l’air jusqu’à présent de vouloir abandonner encore. Il consiste à laisser nos troupes à Rome. Et après ? À attendre la marche des choses. Tant que l’on persévérera dans ce système, ne semblera-t-on point avouer que l’on n’aperçoit pas de solution possible, et que l’on n’entrevoit pas la fin d’une perturbation que l’on a soi-même excitée sans le savoir ? En fait, n’aggrave-t-on point par une telle attitude une situation qui est déjà par elle-même si pénible et pour l’église et pour l’Italie ?

Je sais bien que la prolongation du statu quo se couvre toujours de l’espoir ou du prétexte d’une transaction possible entre la papauté temporelle et l’esprit et la nécessité du temps. Voilà la solution sur laquelle on s’appuie. On sait que, suivant l’expression de M. Royer-Collard, « les rapports entre l’église et l’état n’ont jamais été réglés par la prévoyance. En cette matière comme en tant d’autres, c’est la force des situations qui décide bien plus que la raison et l’opinion. Les gouvernemens, ajoutait ce dédaigneux esprit, subissent les choses alors même qu’ils luttent contre elles, et les plus