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et celle qui poursuit dans la suppression du pouvoir temporel l’anéantissement du pontificat religieux lui-même, et qui, non moins ignorante des faits et plus grossière dans ses conceptions, ne craint pas de parler d’églises nationales. Il y a ensuite deux solutions intermédiaires : l’une qui en réalité ne résout rien, ne prévoit rien, ne prépare rien, qui se contente niaisement du statu quo et attend passivement le dénoùment de hasard que les événemens pourront apporter : l’autre qui voudrait ramener son point de départ au début du pontificat de Pie IX, et qui, prenant ses regrets pour une espérance, croit que la papauté temporelle pourrait vivre en se réformant. Il y a enfin la solution indiquée par M. de Cavour peu de mois avant sa mort : l’abolition du pouvoir temporel compensée par l’affranchissement de l’église, l’église libre dans l’état libre.

Il serait oiseux de s’occuper de la solution théocratique. Elle fut au moyen âge même une prétention presque toujours combattue de la papauté bien plus qu’une forme définitivement arrêtée et communément acceptée du monde catholique. Ce plan de domination universelle de Rome est plus aisé à reconstruire dans une théorie posthume qu’à saisir dans la réalité historique. Cet idéal était la suzeraineté des papes s’étendant au-dessus de tous les états, l’arbitrage du saint-siège planant sur tous les princes ; c’était la théocratie au sommet du gouvernement des nations chrétiennes. Des organes fougueux et excentriques du romanisme, l’ancien Univers, le Monde d’aujourd’hui, la Civiltà cattolica, ont patroné implicitement cette idée. La politique de ces journaux tend à l’utopie d’une restauration de la domination de la papauté sur le temporel aussi bien que sur le spirituel, sans qu’ils osent eux-mêmes toutefois la proclamer hautement ; mais cette impossible théorie tient si peu de place dans les faits actuels, les publications insensées qui ont tenté avec tant d’arrogance et de maladresse d’en rassembler les lambeaux ont si mal servi leur cause, que cette solution, exhumée du moyen âge, n’est pas digne de la discussion. De quoi est-il maintenant question ? N’est-ce pas de savoir comment on en finira avec ce dernier débris du moyen âge théocratique, avec ce pouvoir temporel qui ne veut pas mourir et qui ne peut plus vivre ?

A l’extrême opposé est la solution brutale qui veut tout renverser, le pontificat comme le gouvernement temporel, le pape et le prince, se propose d’atteindre d’un seul coup ce double but, et parle d’églises nationales où l’état serait le régulateur de la foi. Cette solution a le même vice que la solution cléricale, en ce sens qu’elle ne tient pas plus de compte des faits présens : elle est plus repoussante en ce sens qu’elle ne saurait avoir l’excuse de la sincérité, qu’elle n’est qu’une basse spéculation sur les plus viles passions que puisse