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La situation que prolonge la durée du provisoire n’est pas moins grave au point de vue de l’état religieux qu’au point de vue de l’état politique de l’Italie. Pense-t-on qu’une fois délivrés des difficultés d’ordre secondaire qu’ils rencontrent dans l’administration des provinces napolitaines, les Italiens, avec leur ardeur et la vivacité de leurs passions politiques, puissent longtemps endurer que l’opposition du chef de l’église empêche l’achèvement de leur nationalité, demeure l’unique et dernier obstacle à l’accomplissement d’une œuvre qui a été le rêve de plusieurs générations, et à laquelle, parmi eux, les esprits les plus élevés et les caractères les plus résolus de la génération présente ont consacré tous leurs efforts ? Est-il prudent, est-il conforme aux intérêts du catholicisme d’alléguer non une vérité dogmatique de la religion, mais un intérêt religieux contestable, comme la fin de non-recevoir contre laquelle doit échouer l’élan d’une nation vers l’indépendance et vers l’unité ? Une piété scrupuleuse ne devrait-elle pas redouter que le sentiment national désespéré ne se retournât contre cette foi religieuse même qu’on lui oppose sans justice et sans raison ? Il ne faut pas prononcer le mot de schisme ; mais ne craint-on pas de faire éclater et d’entretenir au sein du clergé italien des divisions douloureuses et scandaleuses ? Le haut clergé suit en général l’impulsion de Rome ; la grande majorité du clergé secondaire demeure avec la masse de la nation. L’esprit d’indépendance est bien plus développé dans les églises italiennes qu’on ne le suppose en France. Il s’y trouve quelques évêques qui, accompagnés du plus grand nombre des prêtres, refuseront de suivre la cour de Rome dans la guerre qu’elle a déclarée à la constitution de la nationalité italienne et à la liberté. Pourquoi s’exposer à donner au monde le spectacle d’un tel déchirement ? La désunion, l’anarchie dans l’église, et cela au foyer même du catholicisme, au sein de la nation qui a pris toujours la première part, la part la plus active, à la direction des affaires de la religion catholique, est-ce une extrémité que l’on puisse braver en conscience ? N’est-ce pas au contraire une complication qu’il serait prudent de conjurer ? De toutes façons, la question est urgente. Peut-on la résoudre ?

II.

La question romaine ne comporte pas un bien grand nombre de solutions. Il y a en sens contraires deux solutions extrêmes et chimériques : celle qui avoue la théocratie, et qui, ne tenant pas compte de l’état du monde, montre dans la constitution ébauchée de l’église au moyen âge le type que doit à jamais poursuivre le catholicisme,