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tant qu’à vos professions libérales on aura le droit d’opposer le spectacle de ce dernier monument de théocratie auquel vous vous cramponnez ? Vous vous plaignez constamment, souvent même avec raison, de n’avoir point encore les libertés légitimes qui vous sont nécessaires ; vous vous plaignez des servitudes que vous imposent encore les institutions politiques et les gouvernemens. Comment ne voyez-vous pas qu’à vos réclamations et à vos remontrances on répondra toujours par un mot victorieux : Rome ! jusqu’à ce que la papauté ait été ramenée, comme vous l’avez été vous-mêmes, dans le cadre de la société moderne, et que, délivrée d’un pouvoir qui l’écrase et la brouille avec l’esprit de notre siècle, ce soit pour elle aussi, comme pour vous, un devoir et un honneur d’accomplir sa mission en défendant et en invoquant la liberté, au lieu de la maudire ? »

L’antagonisme que le pouvoir temporel entretient au sein du catholicisme entre la papauté et les conditions de la société moderne est le côté le plus général et le plus grave de la question romaine dans les circonstances présentes ; il est plus digne encore de considération que l’antagonisme politique qui a éclaté entre la papauté temporelle et l’Italie sur la question nationale. Cependant on ne peut négliger le rapport de la question romaine avec la question italienne, puisque c’est la révolution d’Italie qui provoque d’urgence la solution de la question romaine.

Ici peu de mots suffiront. Nous n’avons pas à rechercher les services que la papauté a rendus à l’Italie dans le passé ; nous n’irons pas davantage demander aux gibelins du moyen âge, aux plus grands hommes de ce pays, depuis Dante jusqu’à Machiavel, les motifs de leurs griefs contre les papes. Il n’est pas besoin de sortir des souvenirs de notre génération pour comprendre pourquoi le pouvoir temporel est devenu odieux aux Italiens et impossible en Italie. Les incompatibilités générales que nous avons signalées entre les formes de la société moderne et le pouvoir pontifical devaient être aussi sensibles en Italie que dans les autres pays, et y devaient produire les mêmes effets dans les âmes, l’élite de cette nation s’étant ralliée aux principes libéraux de notre temps. Mais c’est principalement sur la question nationale que s’est opéré le divorce entre l’Italie et la papauté temporelle. Quelle démonstration plus persistante de cette rupture que ce fait : pendant les trente dernières années, l’occupation étrangère a été la condition incessante de l’existence du gouvernement du saint-siège ? Depuis 1815, la papauté a été l’alliée de l’Autriche, et n’a vécu que par les secours militaires de cette puissance. Nous ne parlons que du concoure militaire prêté aux papes par l’Autriche. On objectera que la France, elle aussi, a fourni aux papes