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cette liberté pour pénétrer chez lui. Pourquoi l’état laïque donne-t-il ou doit-il à la société qu’il régit la liberté civile et religieuse ? C’est, au point de vue politique, parce que l’état laïque n’est que la représentation des intérêts qui forment la société, et qu’il ne peut refuser la liberté civile, mettre obstacle à la manifestation de ces intérêts et à leur influence sur le gouvernement, sans aller à l’encontre de son principe et détruire sa raison d’être. C’est, au point de vue religieux, parce que l’état ignore la vérité dogmatique et morale en matière religieuse, que cette vérité, qui a sa sanction au-delà de ce monde et de cette existence, est invisible pour lui, et ne tombe point sous l’action de ses responsabilités naturelles et de ses attributions légitimes. L’état, qui n’a pas de mission religieuse, qui n’a pas la certitude de la foi, qui n’a pas d’âme identique et immortelle, pour lequel il n’y a pas d’autre vie que celle de l’histoire, commettrait, en refusant la liberté religieuse, l’acte le plus abominable d’imposture, d’usurpation et de tyrannie. Combien la situation du pape est différente ! L’hypothèse sur laquelle réside le principe de sa souveraineté temporelle n’a pas d’analogue dans les constitutions politiques des autres souverainetés. Celles-ci sont considérées comme l’émanation même des sociétés particulières qu’elles régissent : elles sont créées par ces sociétés et exclusivement pour ces sociétés ; elles ont dans les peuples par qui et pour qui elles sont faites leur principe et leur fin. L’état en France est constitué par les Français et pour l’intérêt des Français, en Angleterre par les Anglais et pour l’intérêt des Anglais : ainsi des autres. La base et la raison d’être du pouvoir temporel des papes ne diffèrent pas seulement de la constitution des autres états ; elles lui sont contraires. Ce n’est point par ses sujets et pour ses sujets que ce pouvoir existe ; il est supposé que ce pouvoir a été conféré à la papauté par le monde catholique, et que c’est avant tout dans l’intérêt du monde catholique qu’il doit être exercé. C’est pour une raison indépendante du consentement des Romains et supérieure à leurs intérêts que le pape a été chargé de les gouverner. L’état pontifical n’a pas en lui-même sa raison d’être ; il la tient d’un mandat extérieur, et ce mandat, dont l’obligation serait déjà si puissante, s’il n’émanait que des peuples catholiques, devient plus impérieux, si l’on en considère la fin, qui se confond avec les intérêts surhumains de la vérité religieuse. On voit combien l’hypothèse sur laquelle repose le pouvoir temporel des papes est éloignée de la convention avouée ou tacite sur laquelle les autres états sont constitués. Le contraste n’est pas moins saisissant lorsqu’on compare les données d’après lesquelles doit s’exercer le pouvoir d’un pape et celles qui doivent régler la conduite des autres gouvernemens. Qu’est-ce que la liberté en matière religieuse, phi-