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gneux à travers la zone du littoral, se détachent en collines, en buttes, en mornes isolés. Sur le bord de la mer, au vent de Cayenne, elles forment un long bourrelet où les colons aiment à dresser leurs habitations pour respirer un air plus sain et surveiller leurs cultures. On les distingue en terres hautes de la montagne et terres hautes de la plaine, suivant leur point d’attache, et les unes comme les autres se composent d’un noyau granitique, d’un sous-sol argileux formé par la décomposition du feldspath, d’un sol siliceux avec une couche de terreau : le calcaire y manque absolument comme dans toute la Guyane, excepté aux bords de la mer, où les coquillages sont roulés avec la vase et le sable. En de tels terrains, la puissance de la végétation forestière donne en Amérique, de même qu’en Europe, une idée exagérée de leur fertilité. C’est une composition défectueuse qu’il faut corriger par des amendemens et des engrais dont on ignore l’art et dont on redoute le prix dans les colonies naissantes. La fertilité de la surface, due plutôt aux détritus séculaires des plantes et des animaux qu’à la richesse propre des élémens constituans, s’épuise vite en proportion même du jet rapide et luxuriant de la végétation; les pluies incessantes, en lavant le sol, entraînent l’humus et hâtent l’épuisement. Après quelques années d’exploitation, les récoltes annuelles et herbacées refusent de se renouveler : les champs doivent se reposer; mais ce repos n’est point sous l’équateur, comme la jachère dans notre zone tempérée, accompagné d’un simple pâturage succédant à une production plus vigoureuse : sous l’action stimulante de l’eau et du soleil, un bois pousse, qui trouve dans les profondeurs du sol un aliment suffisant, et quand l’alternance de la culture ramène le travail sur le même terrain, il faut nécessairement abattre ces arbres. Cet obstacle toujours renaissant force l’agriculteur à recommencer toujours sa plus grosse tâche, le défrichement: conditions pénibles, et qui ne permettent pas au cultivateur la même admiration qu’au naturaliste.

Les terres basses sont plus favorisées sous le rapport de la fertilité. Composées d’alluvions terrestres et de vases marines, où les coquillages abondent parfois, elles se prêtent à une succession presque indéfinie de cultures; mais la surabondance des eaux y est un embarras de tous les jours contre lequel il faut se défendre par des digues et des écluses, par des fossés et des canaux, qui forcent d’associer les procédés d’une industrie avancée à ceux d’une agriculture naissante.

Quant aux savanes guyanaises, ce sont d’immenses pâturages naturels assez semblables aux prairies de l’Amérique du Nord, aux pampas de l’Amérique du Sud, et qui s’étendent entre le pied des montagnes et la mer; elles caractérisent les vastes espaces au sud de