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Le soleil se couchait ; la victoire est arrachée aux nôtres au moment où leurs têtes de colonnes abordaient sur trois points la chaussée de Namur. Le duc de Wellington profite enfin de son immense supériorité numérique ; il prend l’offensive. L’infanterie de Foy, de Bachelu, de Jérôme, se retire lentement du bois, de Gémioncourt et de Pyraumont. La cavalerie la couvre au pas. Au débouché du bois de Bossu, les régimens des gardes anglaises tentent d’inquiéter la retraite. Ils sont chargés et contenus.

Ney se retire, mais pas à pas, et seulement quand la nuit est arrivée ; encore ne cède-t-il que le terrain qu’il a conquis ; il se retourne pour peu que l’ennemi devienne importun. Pas à pas et fièrement il ramène ses troupes, jusque-là victorieuses, dans ses positions du matin, sur ces mêmes hauteurs de Frasnes. Ses avant-postes s’arrêtent à une demi-portée de fusil de l’ennemi et retiennent un lambeau du champ de bataille. Quant aux Anglais, ils n’osent poursuivre plus loin l’avantage de la dernière heure, contens d’avoir repris ce qu’ils avaient perdu.

Les troupes du général d’Erlon ne rejoignent que vers neuf heures, lorsque tout est fini ; elles relèvent celles de Reille, qui passent en seconde ligne. Toute la nuit, Ney montra une vigilance admirable ; il y eut, dans les ténèbres, une fausse alerte, causée par la rencontre de deux patrouilles, et les deux armées coururent aux armes. Le silence du reste de la nuit ne fut plus interrompu que par le feu des vedettes françaises au moindre mouvement de l’ennemi, ou par l’arrivée des renforts anglais, composés surtout de cavalerie.

Ainsi s’était terminé ce combat acharné des Quatre-Bras. Il avait coûté 4,000 hommes aux Français, près de 5,000 aux Anglo-Belges. Il s’agissait pour les deux chefs d’empêcher que l’un d’eux ne portât son appui à la grande bataille rangée qui se livrait le même jour, au même moment, à deux lieues et demie de là, dans les champs de Ligny. Wellington avait promis à Blücher d’arriver à temps pour le soutenir. Ney, sans rien promettre, avait reçu l’ordre de se rabattre avec une partie de ses forces sur Ligny, si la chose était possible. Après neuf heures de combat, Ney est obligé de céder ; mais il met deux heures pour se replier sur Frasnes. Avec vingt mille hommes, il oppose un mur d’airain à l’armée anglo-hollandaise : il empêche le duc de Wellington de tenir sa parole, quand c’est sur cette parole qu’a été engagée la bataille de Ligny ; il empêche qu’un seul homme de l’armée anglaise aille rejoindre l’armée prussienne, quand cette jonction était toute la combinaison des généraux ennemis. Il cède les Quatre-Bras, mais il les cède quand ce terrain n’a plus aucune importance pour l’ennemi, et que le rassemblement des deux armées anglaise et prussienne sur ce point est devenu impossible. Il donne neuf heures à Napoléon, non-seulement pour