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se rompre et à s’encadrer d’éminences et de collines jusqu’au défilé de Génappes, au pont de la Dyle, où commencent ces larges ondulations qui se prolongent au loin dans la direction de Waterloo. La position de ce champ de bataille n’avait par elle-même aucune force particulière : mais il est vrai que la rencontre des routes lui donne une grande importance stratégique. C’était, ai-je dit, le point où se concentrait l’armée anglaise ; c’était aussi sa ligne de communication avec l’armée prussienne.

Nous avons laissé le 16 juin, à onze heures et demie, le maréchal Ney à ses avant-postes de Frasnes, au moment où l’ordre lui parvient de se diriger sur les Quatre-Bras. Il transmet sur-le-champ à ses deux chefs de corps, Reille et d’Erlon, l’ordre de mouvement. Déjà les dispositions sont indiquées pour s’avancer jusqu’auprès de Génappes ; quelques bataillons devront même se risquer plus loin sur la route de Bruxelles.

Sur ces entrefaites, le général Girard, détaché vers Fleurus, avait annoncé que les Prussiens occupaient encore ce bourg à dix heures du matin, et qu’ils continuaient à s’avancer sans obstacles. Sur cet avis, le général Reille, qui se voit débordé par sa droite et en arrière, hésite à se compromettre davantage. Il tient ses troupes rassemblées et sous les armes ; mais, pour les porter en avant, il attend l’effet de cette nouvelle sur le maréchal Ney, et il demande un second ordre, tant il est vrai que les lenteurs que Napoléon avait mises à attaquer les Prussiens se communiquaient à toute la ligne. Les meilleurs généraux considéraient le mouvement en avant de la gauche, sous Ney, comme nécessairement subordonné à un mouvement analogue de la droite, sous Napoléon. Ney renouvelle son ordre à Reille, et cette gauche, retenue si longtemps par l’immobilité de la droite, aborde enfin l’ennemi sur les hauteurs de Frasnes. Les forces de Ney se composaient alors de 15,750 hommes d’infanterie, 1,865 cavaliers, total : 17,615 combattans, 38 pièces de canon. Le prince d’Orange, qu’il avait en tête, ne pouvait lui opposer que la division hollando-belge de Perponcher, 6,832 hommes et 16 bouches à feu.

L’inquiétude que venait d’éprouver le général Reille n’était pas étrangère à Ney. Il ne crut pas devoir s’engager tête baissée, dès la première heure, tant que le canon de Napoléon ne se fit pas entendre sur sa droite. Voilà ce qui explique sa marche circonspecte en commençant l’attaque, et pourquoi il ne tira pas immédiatement un plus grand parti de sa supériorité de forces. Ajoutez que le prince d’Orange, avec beaucoup de présence d’esprit, montrait dans toutes les directions d’assez fortes têtes de colonnes. Il en avait au débouché du bois, il en avait sur la route de Nivelles, sur celle de Sombref. Par là il réussit à faire croire que des masses débouchaient de