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thes d’or. Ils marchent tous, mais leurs têtes sont de face; leurs traits, analogues à ceux des Romains de l’empire, ne manquent pas d’individualité, quoique à l’exception de saint Pierre, qui, s’il n’est chauve, a du moins ses cheveux gris, on soit heureux de voir leurs noms écrits pour les reconnaître. Au centre est peint le baptême du Christ; le Seigneur est représenté les cheveux séparés; il ressemble au Christ des catacombes. Rien ne désigne sa divinité ; une croix seulement le sépare de saint Jean, et le Jourdain, sous la forme d’un dieu aquatique, sort de l’eau pour lui présenter ses habits. Dans cette composition où le nu est traité avec assez de facilité, ne retrouve-t-on pas un souvenir des libertés païennes de l’art? Plus d’un exemple semble prouver que les premiers fidèles se permettaient sans scrupule, peut-être même avec une certaine bonne foi, d’insérer dans les peintures chrétiennes des personnifications du polythéisme? Quant au style, de bons juges ont trouvé qu’il rappelait un peu celui des peintures de Pompéi, j’ai plutôt été frappé du mérite de l’expression; mais la grandeur des yeux, la raideur des attitudes, la gaucherie du dessin, m’ont reporté au style byzantin, dont au reste ces mosaïques sont peut-être le plus ancien spécimen subsistant en Italie. J’ai déjà dit qu’elles peuvent être du commencement du Ve siècle. Les mêmes observations sont suggérées par la vue d’un autre baptistère ou de l’oratoire de Santa-Maria-in-Cosmedia ; son plafond octogonal porte les mêmes sujets conçus et représentés à peu près de la même manière. La critique en trouve l’exécution inférieure et ne la date que du VIe siècle. Il faut noter seulement que c’est un ancien baptistère arien. Dans celui de Saint-Jean, rien n’attestait l’orthodoxie; dans celui-ci, rien ne prouve l’hérésie, à moins qu’on n’en cherche un signe dans ce trône où ne siège qu’une croix et vers lequel marchent les douze apôtres.

Mais avant l’invasion de l’arianisme, c’est-à-dire avant Théodoric (493), Galla Placidia avait semé Ravenne de monumens orthodoxes. L’église de Saint-Jean-l’Evangéliste, qui subsiste encore, est celle qu’elle avait promis à Dieu de construire, si elle échappait à la tempête. C’est une basilique sans transept, par conséquent dans sa forme primitive et avec ses vingt-quatre colonnes antiques. L’aspect en est beau, mais elle a été si impudemment restaurée qu’on renonce à y chercher les restes des mosaïques qui retraçaient le voyage et le vœu de Placidia. J’ai lu depuis qu’il en subsiste quelque chose. Une suite de portraits des empereurs chrétiens depuis Constantin a disparu; mais les plaintes des écrivains qui, tels que Kugler, déplorent la perte des mosaïques de Saint-Jean m’ont peut-être trop découragé. Saint-Jean-Baptiste, également fondé par l’impératrice pour son confesseur saint Barbatien, a été reconstruit au