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que ceux de la grande nef au-dessus des arceaux, sont encore décorés par une frise de portraits des archevêques de Ravenne, rangés chronologiquement depuis Apollinaire jusqu’à son successeur actuel, qui est le cent vingt-huitième. Ces peintures, qui en ont remplacé de plus anciennes en les imitant sans doute, sont des médaillons où, selon le procédé de l’époque, toutes les têtes sont de face. Il est impossible de voir cette suite officielle et chronologique de pasteurs sans songer à Saint-Paul-hors-des-Murs, où les papes étaient rangés de même et viennent d’être reproduits en mosaïques modernes. Ce ne peut guère être une simple coïncidence. Si c’est une imitation, d’où est-elle venue? On a soupçonné presque une rivalité, et Ravenne en effet eut ses jours d’émulation avec Rome comme avec Constantinople. Cependant toute prétention même à l’égalité avait depuis longtemps cessé que l’on continuait, et jusqu’à nos jours, cette collection d’archevêques. Les têtes les plus récentes sont d’une exécution terne qui ne contraste pas trop avec le ton des plus anciennes, et généralement rien ne trouble l’impression produite par ce grand édifice presque vide, malgré quelques inscriptions et quelques tombeaux curieux d’antiquité. La cage supérieure, éclairée par d’assez grandes fenêtres, est tout à fait dénuée d’ornemens. Là sans doute s’étalaient des panneaux en mosaïque. C’est un mur tout blanc, et blanches aussi sont les poutres et les solives du toit de la nef et des bas côtés. Cette nudité ne nuit pas à l’effet général. La tribune au contraire est ornée. Elle s’élève d’une assez grande hauteur au-dessus du sol; on y monte par deux larges escaliers à belles balustrades sculptées, et en montant on voit à ses pieds l’eau verte baigner les marches inférieures et les portes qui conduisent à la chapelle souterraine. Dans cette crypte est la tombe souvent noyée de saint Apollinaire. Le grand autel est surmonté d’un riche baldaquin à quatre colonnes de blanc-et-noir antique; mais ici tous les arcs, toutes les voûtes sont enrichis de mosaïques. On les dit antérieures à la fin du VIIe siècle (671-677). A la voûte en coquille du fond du sanctuaire se dessinent sur un ciel d’or des nuages bleus et rouges, et au milieu, sur un cercle d’azur semé d’étoiles d’or, s’élève une grande croix richement décorée, portant au sommet l’inscription des quatre lettres consacrées (INRI), sur les bras l’alpha et l’omega, et au pied salus mundi. Au centre est placée une figure du Christ à mi-corps que désigne du haut du ciel le doigt d’une main qui sort du nuage, emblème de la première personne de la Trinité. Hors du cercle se soutiennent les figures rajeunies de Moïse et d’Élie, et au-dessous trois agneaux représentent les trois apôtres, Pierre, Jacques et Jean. Voilà donc peut-être le premier tableau de la transfiguration. Vous remarquerez qu’elle est conçue sous cette forme