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choix, et il fit régner en paix l’arianisme à côté de la foi de Nicée. Cependant ses successeurs ne maintinrent pas longtemps son ouvrage. Vingt-sept ans après sa mort, son peuple était retranché du nombre des peuples conquérans (553). L’empereur de Byzance avait fait un effort pour rapprocher les membres déchirés de l’ancien empire. Bélisaire avait repris Rome et Ravenne. Plus tard, Narsès vainqueur créait dans l’est de la Haute-Italie l’exarchat de Ravenne, abandonnant à de plus récens envahisseurs, aux Lombards, la partie du royaume qui a conservé leur nom. Là ils reprirent, pour la perdre un jour, l’œuvre d’Odoacre, de Théodoric et de ses successeurs (572). En vain à ce moment Justinien parut avoir quelque chose de ces hommes qui sauvent et relèvent les empires ; le succès de ses efforts dura peu, et moins de deux siècles après Narsès Astolphe chassait de toute l’Italie les derniers Byzantins. Il l’aurait peut-être enlevée tout entière à la souveraineté nominale de l’Orient, peut-être le royaume du nord se fût-il pour jamais établi et agrandi dans la péninsule, si dès lors il n’eût trouvé à Rome un énergique adversaire, et si le pontife romain, appelant l’étranger et conviant de nouveaux Germains à s’ériger en nouveaux césars, n’eût livré l’Italie pour des siècles à la lutte douloureuse et stérile qui s’est prolongée jusqu’à nous.

Un autre empire naquit, et avec lui une papauté nouvelle, tour à tour et diversement hostiles à l’indépendance italienne. Dans le testament de Charlemagne, Ravenne est, avec Rome et dix-neuf autres villes, comptée au nombre des cités métropolitaines de son royaume, in regno illius metropolitanœ (alias metropoliticœ) civitates, car le plus dominateur des hommes n’avait rien donné au pape qu’il n’entendît garder en même temps, et il se serait indigné qu’on le supçonnât d’avoir cédé chose en sa puissance. Aussi voit-on, peu d’années après sa mort, Ravenne disputer au pontife son indépendance, qu’elle disputera plus tard à l’empereur, jusqu’à ce que, ballottée d’un despotisme à l’autre, elle respire sous la domination vénitienne. C’est des mains de cette république qu’elle passa définitivement dans celles du pape en 1509, pour devenir, sous Jules II, la capitale de la Romagne. La bataille de Ravenne ne fut qu’un brillant et infructueux effort de la France pour rattacher cette grande cité à la ligue des cités de l’Italie septentrionale. Ravenne demeura déchue de tout rang politique, mais consolée du moins par cette liberté municipale que le saint-siège respecta jusqu’au jour où la révolution française vint apprendre la centralisation à tout le monde et perfectionner l’absolutisme aux lieux mêmes où elle le détruisait.

Ces souvenirs historiques étaient nécessaires pour faire comprendre comment une ville qui n’est plus même du second ordre, un ancien chef-lieu de sous-préfecture de l’empire français, en dé-