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très peu nombreuses[1], et engagées en grande partie à l’étranger au moyen de primes, comme l’armée anglaise, c’est la milice, formée dans chaque état par l’initiative des citoyens, qui représente surtout ce libre esprit militaire particulier aux Américains. Les milices nomment leurs officiers, choisissent leurs uniformes, règlent les jours de service, sans que l’état ait rien à y voir. Toutefois, dans un moment de crise comme celui que traversent à cette heure les États-Unis, les cadres des milices sont renforcés, et elles rentrent momentanément sous la direction du gouvernement fédéral, avec lequel même elles signent un engagement limité. Reste l’armée des volontaires, qu’on ne recrute que dans les temps de danger public, et qui ne dépend que de l’Union. C’est cette armée qui compose à présent toute la force effective et réelle dont disposent les états du nord. Recrutée un peu partout sur la surface des états restés fidèles, elle offre dans son ensemble un singulier mélange de nationalités et de costumes. C’est là que le zouave, si à la mode depuis Sébastopol et Solferino, a porté son air martial et ses allures dégagées. Grâce à ces avantages naturels, le zouave reçoit une haute paie. Les autres volontaires ont été engagés au prix énorme, mais non toujours payé, de 11 dollars, soit 55 francs par mois, non compris la nourriture, l’habillement et les armes, que l’Union leur délivre libéralement.

Le mauvais côté d’une pareille organisation, c’est que l’armée n’est pas centralisée. Un coup de main décisif lui devient difficile, et des débâcles comme celle de Manassas s’expliquent trop aisément; mais ne peut-on remédier à quelques inconvéniens d-e ce système sans trop affaiblir l’action que l’initiative individuelle est si jalouse d’exercer dans les sociétés de race anglo-saxonne? C’est une des questions que la guerre actuelle pourra servir à résoudre, et c’est un des titres qu’elle offre, parmi tant d’autres, à l’intérêt de l’Europe. Les mœurs publiques aux États-Unis n’en gardent pas moins, dans leur simplicité antique, un charme austère que le passage du général Scott à San-Francisco me fit vivement apprécier. Si dans ce moment le peuple américain donne à l’Europe le triste exemple d’une lutte fratricide, il faut espérer que ce spectacle, navrant pour tous les amis de la liberté, ne sera pas de longue durée, que la paix se fera bientôt, et que le général Scott, toujours plein de vigueur, sera ici, comme à San-Juan, l’heureux arbitre de deux partis qui peut-être ne demandent qu’à s’entendre.


L. SIMONIN.



Voyage dans l’Amérique du Sud, Péron et Bolivie, par M. Ernest Grandidier[2].

Une faveur bien naturelle s’attache de nos jours aux voyages d’exploration. Il ne s’agit plus seulement d’agrandir le domaine de la science, d’observer et de comparer les phénomènes de la nature sous les différentes latitudes, d’inscrire sur le livre toujours ouvert de nos botanistes le nom d’une plante nouvelle et de peupler les archives du Muséum. Les voyageurs mo-

  1. De 15 à 16,000 hommes au plus, cantonnés sur toute la surface de l’Union.
  2. 1 volume in-8o, chez Michel Lévy.