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la nutrition, la circulation du sang, la respiration, sont ses manifestations, aussi bien que la pensée. Aucun des actes observés dans le corps vivant ne s’accomplit par le corps seul, mais par l’âme, principe et cause de la vie. C’est elle, selon Stahl, qui conserve le corps, qui le développe, qui l’approprie à ses fins, car il est fait pour elle et par elle, bien loin qu’elle soit faite pour lui et par lui. Voilà, dira-t-on, une âme bien savante ! Si elle connaît ses organes, comment les laisse-t-elle dépérir dans la maladie sans leur donner ce qui pourrait leur rendre la santé ? Comment permet-elle à la mort de s’en emparer, puisqu’elle peut leur donner la vie ? Elle est donc liée par quelque fatalité dans ses rapports avec l’organisme, bien que celui-ci soit son œuvre immédiate ? Nous touchons ici à la partie la plus délicate du problème de l’âme.

Cette substance inconnue doit-elle être identifiée avec le moi, ou, autrement dit, toute opération de l’âme doit-elle être accompagnée du phénomène de la conscience et de la liberté ? Ou bien peut-on admettre que l’âme ne se révèle à elle-même et n’est libre que dans certains actes, et qu’elle peut, à côté et au dessous des opérations de la pensée, poursuivre un travail sourd et latent dans le domaine des objets qui touchent directement à la vie ? L’école cartésienne a confondu l’âme avec le moi, les animistes doivent reconnaître que le moi n’est qu’une des expressions de l’âme, et qu’elle subsiste encore là où il n’y a plus ni conscience ni liberté, dans le sommeil, dans l’extase, dans la folie, dans l’accomplissement instinctif et spontané de toutes les fonctions organiques. La physiologie et la psychologie se trouvent ainsi confondues. Au degré le plus bas des phénomènes animiques sont les fonctions de la vie nutritive, régulières dès le principe, déterminées par un instinct qui ne se trompe jamais, aussi parfaites dans l’embryon que dans l’adulte. Les fonctions de relation tiennent une place plus haute : par elles, l’être est mis en rapport avec le monde extérieur ; l’âme est obligée de faire l’éducation des sens et de diriger les mouvemens des organes locomoteurs : toute sa sollicitude est tenue en suspens durant la période où ces mouvemens et ces sensations demeurent encore désordonnés. À mesure que les actes de cette vie de relation s’accomplissent plus aisément, avec la sûreté de l’habitude, l’âme, moins préoccupée, en perd peu à peu la conscience ; elle entre plus librement dans le monde de la pensée, mais elle ne cesse pas d’agir instinctivement dans tous les phénomènes vitaux.

Un tel système est-il matérialiste ? est-il spiritualiste ? On ne peut, ce semble, répondre avec certitude à cette question. Identifier le principe vital avec le principe de l’âme, ce peut être logique ; mais sans aucun doute c’est rapprocher les phénomènes intellectuels des phénomènes vitaux, que nous sommes naturellement disposes à re-