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DE LA VÉRITÉ
DANS LE ROMAN

Silas Marner, by George Eliot, Blackwood, Edinburgh and London.

Il y a quatre ou cinq ans à peine, un petit volume où étaient retracées, dans une série de courts et spirituels récits, les joies modestes, les misères cachées et les privations incessantes des ministres de campagne, recevait du public anglais un favorable accueil. Ces Scènes de la Vie cléricale étaient un début littéraire, un début heureux, mais qui n’autorisait pas de bien hautes espérances[1]. Encouragé par ce premier succès, l’auteur inconnu de cet agréable ouvrage publia presque aussitôt un roman assez étendu, où tout trahissait une de ces œuvres faites avec amour, qui ont longtemps occupé toutes les pensées de l’écrivain, qui ont été pendant des années son secret, sa consolation et sa joie, où il a mis d’autant plus volontiers une partie de son âme, que la publication a toujours été pour lui une espérance plutôt qu’une certitude. Le succès fut éclatant ; plusieurs éditions enlevées en quelques mois, les éloges unanimes de la critique, une ardente curiosité acharnée à soulever le voile dont se couvrait l’auteur, des contrefaçons et des imitations de toute nature, une continuation audacieusement publiée par un spéculateur pour abuser de l’admiration et de la crédulité géné-

  1. Voyez, sur les Scènes de la Vie cléricale, la Revue du 15 mai 1858.