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les collines de Haslach et tourner notre gauche. Rien ne les empêchera d’essayer la même manœuvre sur notre droite, s’ils parviennent à gagner Raon-l’Étape…

— Oui, mais, pour leur ôter ces idées-là, nous avons une chose bien simple à faire : c’est d’occuper les défilés de la Zorn et de la Sarre sur notre gauche, et celui du Blanru sur notre droite. On ne garde un défilé qu’en tenant les hauteurs ; c’est pourquoi Piorette va se mettre, avec cent hommes, du côté de Raon-les-Leaux, Jérôme, sur le Grosmann, avec un même nombre, pour fermer la vallée de la Sarre, et Labarbe, à la tête du reste, sur la grande côte, pour surveiller les collines de Haslach. Vous choisirez votre monde parmi ceux des villages les plus voisins. Il ne faut pas que les femmes aient beaucoup de chemin à faire matin et soir pour apporter des vivres. Et puis les blessés seront plus près de chez eux, ce qu’il faut aussi considérer. Voilà provisoirement tout ce que j’avais à vous dire. Les chefs de poste auront soin de m’envoyer chaque jour au Donon, où je vais établir ce soir notre quartier-général, un bon marcheur pour m’avertir de ce qui se passe et recevoir le mot d’ordre. Nous organiserons aussi une réserve ; mais, comme il faut aller au plus pressé, nous parlerons de cela quand vous serez tous en position, et qu’il n’y aura plus de surprise à craindre de la part de l’ennemi.

— Et moi, s’écria Marc Divès, je n’aurai donc rien à faire ?… Je resterai les bras croisés à regarder les autres se battre ?…

— Toi, tu surveilleras le transport des munitions ; aucun de nous ne saurait traiter la poudre comme toi, la préserver du feu et de l’humidité, fondre des balles, faire des cartouches.

— Mais c’est un ouvrage de femme cela, s’écria le contrebandier ; Hexe-Baizel le ferait aussi bien que moi. Comment ! je ne tirerai pas un coup de fusil ?

— Sois tranquille, Marc, répondit Hullin en riant, les occasions ne te manqueront pas. D’abord le Falkenstein est le centre de notre ligne, c’est notre arsenal et notre point de retraite en cas de malheur. L’ennemi saura par ses espions que nos convois partent de là ; il essaiera probablement de les enlever : les balles et les coups de baïonnette ne te manqueront pas. D’ailleurs, quand tu serais à couvert, cela n’en vaudrait que mieux, car on ne peut confier tes caves au premier venu. Cependant, si tu voulais absolument…

— Non, dit le contrebandier, que la réflexion de Hullin sur ses caves avait touché, non, tout bien considéré, je crois que tu as raison, Jean-Claude ; j’ai mes hommes, ils sont bien armés, nous défendrons le Falkenstein, et si l’occasion de placer une balle se présente, je serai plus libre.