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réunion du parlement, qui doit avoir lieu à la fin de novembre, il est permis au moins de dire qu’elles sont prématurées. Il est naturel que l’on prononce le nom de M. Rattazzi à l’occasion des projets de combinaisons nouvelles. M. Rattazzi occupera toujours une place honorable parmi les hommes d’état sur lesquels peut compter l’Italie, et sa présence au ministère, si elle se concilie avec le maintien au pouvoir des hommes qui ont porté avec tant de courage et de bon vouloir la succession de M. de Cavour, nous paraît devoir être favorablement accueillie. M. Rattazzi est sur le point d’arriver à Paris. Dans les régions qu’il vient explorer, nous espérons qu’on n’aura pas conservé le souvenir de l’opposition consciencieuse qu’il fit pendant son dernier ministère aux annexions de la Savoie et de Nice. Vient-il essayer de pénétrer les desseins de la politique française à l’endroit de la question romaine ? Nous n’en serions pas surpris, car un Italien n’a guère d’autre question à nous adresser que celle-ci : « A quand votre départ de Rome ? » Il sera, à notre sens, bien habile et bien heureux, s’il tire de nous une réponse claire et décisive.

Les grands états plus ou moins détraqués de l’Europe, l’Autriche et la Russie, ne font pas mine encore de reprendre leur aplomb. Ce n’est point un mal aigu, c’est une maladie chronique qui traîne en longueur. À Vienne, dans les entretiens politiques, on met à l’ordre du jour la révision de la constitution, bien que cette constitution n’ait pas encore été complètement appliquée. Ceux qui aspirent à un véritable régime parlementaire veulent que la constitution soit réformée, parce qu’elle ne confère pas aux chambres le droit de refuser les impôts, et qu’elle est ainsi dépourvue d’une condition essentielle des institutions représentatives. D’autres voudraient que la constitution fût remaniée, parce que, sur les bases où elle a été établie, il est impossible d’arriver à un arrangement satisfaisant des affaires de Hongrie et de Croatie. C’est en Hongrie en effet que la situation est sans issue. Le gouvernement autrichien s’efforce sans succès d’y étouffer les manifestations patriotiques. Le comitat militaire de Raab a déclaré que toutes les assemblées dont la dénomination rappellerait le mot de honved, qui désigne les volontaires de 1848, seraient dispersées au besoin par la force. La possession des armes et des munitions de guerre a été interdite par la chancellerie de Bude ; mais en dépit de toutes les prohibitions les femmes, tout émues de généreuse passion politique dans ces races souffrantes et frémissantes de l’Europe orientale, continuent à porter sur leurs bracelets des anagrammes qui rappellent les noms des victimes de Vilagos, de ces quatorze généraux qui furent exécutés en 1849. On dirait que le gouvernement autrichien, impuissant à comprimer les manifestations patriotiques, n’a plus d’autre ressource pour reconquérir son ascendant que d’essayer de s’appuyer, comme autrefois, sur les jalousies des nationalités : triste et fatal moyen de gouvernement qu’il n’est peut-être plus en état de ressaisir.

La Russie, si l’œil de l’Europe y pouvait aisément pénétrer, nous offrirait