Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/788

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
786
REVUE DES DEUX MONDES.

l’élément fourni par le temporel qui domine le gouvernement de l’église, puisque le cardinal secrétaire d’état et la majorité des cardinaux qui forment les congrégations, au lieu de représenter la vocation sacerdotale et apostolique, sont sortis des carrières politiques et civiles.

Dans l’ordre de son organisation temporelle, variable, soumise à la mobilité des circonstances, — nous croyons avoir le droit d’exiger des plus orthodoxes qu’ils nous l’accordent, — l’église a subi la double et lente transformation dont nous avons indiqué les traits. Au lieu de se gouverner, comme à l’origine, par l’épanouissement universel de la foi au sein des peuples, au lieu de se développer dans cette unité dont le consentement de tous fait la vivace énergie, et dont le système électif est la forme, l’église peu à peu, en traversant le milieu politique où s’élaborait l’Europe moderne, s’est rangée autour du siége de Rome, autour du pape, devenu presque, par les progrès de son autorité centralisatrice, la personnification de l’église elle-même, du pape procédant de l’élection d’un corps très restreint de cardinaux. C’est la première révolution. La seconde est l’acquisition du pouvoir temporel. Les nécessités du temporel réagissent et sur la papauté et sur la composition du collége où elle se recrute. Il n’y a plus pour papes que des Italiens. Le cardinalat accueille un élément laïque, lequel lui est fourni par les emplois civils et politiques que comporte et rend nécessaires l’administration du petit état gouverné par le saint-père. Malgré la subalternité de son origine et de sa destination naturelle, cet élément laïque prend une part prépondérante à l’élection des papes, peut fournir des papes lui-même, et en tout cas a imposé et impose, à l’heure qu’il est, à l’église catholique les instrumens les plus nombreux, les plus actifs et les plus influens de son gouvernement central et suprême. Tels sont les faits, considérons-en les résultats.

IV.

Lorsque l’on réfléchit sur l’histoire de la papauté, on est bientôt frappé de ces deux faits qui ont caractérisé sa destinée : aux temps où l’influence même politique de la papauté a été le plus éclatante et le plus bienfaisante, les papes n’avaient pas de pouvoir temporel, ou bien leur pouvoir était placé dans les conditions les plus précaires ; à mesure, au contraire, que le pouvoir temporel s’est assis et consolidé, à mesure que la papauté, investie d’une souveraineté mondaine, a été entraînée à se faire exclusivement italienne, le prestige moral de la papauté s’est affaibli, et le cercle de son ascendant spiri-