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qu’excitait le roi de Prusse. On a remarqué la chaleur de l’allocution prononcée à cette occasion par M. de Kubeck et de la réponse du ministre de Prusse, M. d’Usedom. Celui-ci s’est confondu en remercîmens envers « les confédérés du roi » et « son vénéré collègue d’Autriche » avec un accent d’attendrissement fraternel auquel les représentans de la Prusse n’ont point accoutumé leurs chers confédérés et les ministres autrichiens.

La mort vient de frapper en France un illustre vieillard qui demeurera comme une des plus nobles figures de notre siècle : nous voulons parler du prince Adam Czartoryski. Jamais plus de persévérance dans le patriotisme n’a été aux prises avec plus longue infortune politique; mais une consolation dernière n’a pas été refusée au prince Adam. Au terme d’une carrière presque séculaire, il a pu voir renaître, au milieu des sympathies des grandes nations occidentales, les espérances de sa patrie. Il lui a été permis à lui-même d’espérer que la terre promise où il n’a pu rentrer sera revue par ses enfans et par ses compagnons.


E. FORCADE.



REVUE DRAMATIQUE.

Le mot théâtre s’emploie ordinairement d’une manière abstraite et générale, comme synonyme d’art dramatique; mais plus nous suivons les spectacles contemporains, et plus la conviction entre dans notre esprit que ces deux mots signifient deux choses très différentes, et qu’il serait bon, une fois pour toutes, d’établir cette distinction. Il nous est prouvé bien décidément que le théâtre est une chose et que l’art dramatique en est une autre. Le théâtre contemporain existe, et certes d’une manière florissante. Jamais les théâtres n’ont été aussi richement pourvus de décors, de costumes et de machines ingénieuses; jamais on ne sut mieux se rendre compte, d’une manière plus scientifique, si j’ose m’exprimer ainsi, des lois de l’optique et de la mécanique théâtrales, et jamais ces lois n’ont été mieux observées. Jamais auteurs dramatiques n’ont été mieux représentés que nos auteurs contemporains. Le théâtre existe donc, il prospère, il grandit même, et loin d’être en décadence, il n’a pas encore atteint son zénith. Il est riche de ressources, d’inventions, de pratiques ingénieuses, d’artifices habiles. Au lieu de dire que le théâtre est en décadence, il faudrait dire plutôt qu’il est en progrès. Malheureusement la littérature dramatique est loin de partager cette fortune florissante; plus le théâtre grandit, plus elle décline. Pour se convaincre de la réalité de la différence que nous établissons entre le théâtre et la littérature dramatique, et de la supériorité incontestable de l’un sur l’autre, on n’a qu’à se figurer la plupart des pièces nouvelles privées des ressources que leur fournit la libéralité du théâtre, obligées de se tirer d’affaire toutes seules, par leur propre génie, et d’intéresser par la seule force de la