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des élémens, que nous voulons réagir ici, non pas en combattant les argumens des vitalistes par des raisons philosophiques, mais par un enseignement bien autrement sérieux, en faisant voir que toutes les données de la physiologie ont été acquises par expérimentation.


I.

Il faut se rappeler d’abord qu’un grand nombre de matières qu’on croyait exclusivement formées par la vie végétale et animale se peuvent directement obtenir par les procédés ordinaires de la physique et de la chimie. Il y a trente ans environ, un des chimistes les plus célèbres de notre époque, M. Wöhler, réussit à préparer artificiellement l’urée, qui est un des produits les plus constans de nos sécrétions : c’était faire avec éclat le premier pas dans une voie toute nouvelle, celle de la synthèse des matières organiques, voie qui a été suivie depuis par les chimistes modernes, en particulier par M. Berthelot, et qui nous a introduits dans un vaste domaine que l’avenir promet d’agrandir encore[1].

Les carbures d’hydrogène, les alcools et leurs combinaisons avec les acides peuvent aujourd’hui se préparer directement, et, en partant ensuite de ces composés, on est parvenu à obtenir, d’après une loi commune, toute une série de combinaisons artificielles dont plusieurs existent dans la nature : tels sont les principes odorans des fruits, plusieurs essences, la cire et les principes immédiats des baumes. En combinant les alcools avec l’ammoniaque, on a découvert encore toute une classe d’alcalis importans analogues aux alcalis organiques, et, en les brûlant partiellement avec l’oxygène, on a obtenu des acides dont plusieurs existaient dans la nature. Enfin des transformations analogues qu’il n’est pas nécessaire d’indiquer nous ont donné l’urée, le sucre de gélatine, la leucine, l’acide hippurique, etc.

Nous savons aujourd’hui que les élémens qui composent l’organisme végétal, et qui entrent dans cette immense série de matières organiques que les plantes produisent, doivent leur origine à l’eau, à l’ammoniaque, aux nitrates et à l’acide carbonique. C’est ce dernier corps qui paraît jouer le rôle le plus important. Il est décomposé par la matière verte des feuilles sous l’influence de la lumière solaire, et, dégageant de l’oxygène, il est ramené à l’état d’oxyde de carbone. L’oxyde de carbone est donc, comme M. Boussingault l’a

  1. Voyez l’étude de M. A. Laugel sur les travaux de M. Berthelot dans la Revue du 1er  mai 1861.