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est la dépression considérable des steppes de la Caspienne au-dessous des eaux de la Mer-Noire. De nombreuses observations barométriques, faites pendant le cours du siècle dernier et au commencement du nôtre, ont donné une différence de niveau de plus de 90 mètres entre les deux mers ; mais les nivellemens barométriques doivent être acceptés avec une extrême défiance lorsqu’il s’agit de mesures aussi délicates. Le poids de l’air n’est pas le même sur toutes les parties de la surface terrestre : il change avec les différences de température, la direction des courans atmosphériques, la forme et la hauteur des montagnes[1]. Il fallait donc attendre les résultats d’un nivellement géodésique avant de pouvoir admettre comme un fait désormais hors de doute la dépression des steppes caspiennes au-dessous de la hauteur moyenne de la Mer-Noire. Ce nivellement, exécuté en 1837 par MM. Fuss, Sabler et Sawitch avec toutes les garanties désirables d’exactitude, fixe le niveau de la Caspienne à plus de 25 mètres en contre-bas de la Mer-Noire. Aujourd’hui ce chiffre est universellement accepté comme à peu près irrévocable, et de récens nivellemens trigonométriques opérés par le général de Chodzko sur plusieurs points à la fois, dans la Transcaucasie, entre le Don et le Volga, et directement à travers la dépression ponto-caspienne, ont pleinement confirmé le résultat obtenu par les trois savans géomètres. Quant au nivellement vrai ou prétendu de M. Hommaire de Hell, d’après lequel la différence de niveau serait de 12 mètres seulement, les savans russes le considèrent comme non avenu.

Qu’on admette un instant l’existence des gouffres souterrains d’Aristote, et la Mer-Caspienne, se trouvant en communication avec la Mer-Noire, monterait tout à coup de 25 mètres. Au sud, la chaîne de l’Elbourz ne lui permettrait de recouvrir qu’une étroite lisière de côtes ; entre l’Elbourz et le Caucase, elle envahirait seulement le delta marécageux du Kour et de l’Araxe ; mais plus au nord, à partir de l’embouchure du Terek, elle déroulerait ses flots du côté de l’ouest sur une immense étendue : enveloppant de son nouveau rivage toute la vallée inférieure du Kouma et la dépression du Manytch jusqu’à une petite distance du seuil des deux mers, elle inonderait tout le bassin du Volga au-dessous de Saratov ; elle engloutirait les lacs d’Elton, de Baskouchok, tant d’autres lacs qu’elle avait oubliés jadis dans les steppes, et s’arrondirait au pied des collines calcaires du Turkestan jusqu’au-delà de l’embouchure de l’Emba. Contenue par la ligne de hautes falaises qui bordent le plateau rocheux d’Oust--

  1. D’après le capitaine Maury et le lieutenant Herndon, l’erreur probable donnée par les lectures barométriques serait de plus de 600 mètres dans la vallée du Marañon ; quand on remonte les bords du fleuve, le baromètre annonce que l’on descend.