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aussi par momens à l’animosité qu’une portion notable de sa presse n’était pas seule à fomenter. « L… me dit (je cite encore, je citerai parfois M. Désages, homme d’une perspicacité rare et d’une modération à toute épreuve comme d’une grande élévation de caractère), L… me dit (30 juin 1842) qu’on est très mécontent de nous à Londres. Les Anglais qui sont ici (je ne saurais d’ailleurs vous dire qui ils sont) parlent guerre, et l’appellent à grands cris. Cela prouve seulement qu’il y a partout des fous. » Pour faire face à cette situation, la France, qui au fond voulait fermement la paix et qui s’était nettement prononcée dans ce sens, s’était donné un ministère décidé à n’en point sacrifier légèrement les bienfaits. Pleinement d’accord avec la constante pensée du roi Louis-Philippe, l’illustre homme d’état sur qui portait réellement le poids des affaires les plus critiques consacrait à cette cause toute son énergie et toute son éloquence. Le maréchal Soult et le comte Duchâtel, ses principaux collègues, n’étaient ni moins convaincus ni moins fermes que lui ; mais ses amis le secondaient timidement, et le succès de ses efforts ne restait trop souvent qu’imparfait ou douteux. Le cabinet récemment parvenu au pouvoir en Angleterre était, sous ce rapport, dans une position plus forte et plus franche. Un retour très prononcé de l’opinion publique, expliqué surtout par l’estime personnelle qu’inspiraient les principaux membres de ce cabinet, lui avait assuré dans les dernières élections un triomphe signalé. Dans la chambre des lords le duc de Wellington, dans la chambre des communes sir Robert Peel, exerçaient sans effort la domination qui leur était familière. à la tête de chaque branche de l’administration se trouvait un homme déjà célèbre par son aptitude connue, ou l’un de ceux qui, jeunes à cette époque, ont réalisé depuis, comme M. Gladstone, le duc de Newcastle, lord Canning, M. Cardwell, les plus brillantes espérances. Les membres les plus élevés de l’aristocratie territoriale apportaient, dans une mesure convenable, l’appui et l’éclat de leur position sociale. Rarement, dans ses annales parlementaires, l’Angleterre avait vu de pareils chefs, ainsi secondés et soutenus. Celui auquel, dans une si brillante combinaison, la direction de la politique étrangère était encore une fois dévolue s’était toujours dérobé à la faveur populaire avec une telle persistance qu’il ne tenait point le premier rang parmi ceux qu’elle avait ainsi recherchés ; mais, en jouissant suffisamment de la bienveillance publique, lord Aberdeen avait et a toujours conservé une position toute spéciale, qu’elle n’eût pu ni lui ravir ni lui conférer. La reine le respectait et l’aimait particulièrement. L’amitié personnelle et à toute épreuve du duc de Wellington, de sir Robert Peel, de ses principaux collègues, lui était depuis longtemps