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moyens de transport, les canaux étaient les plus économiques. « Un chariot, disait-on, attelé de six chevaux et conduit par deux hommes, ne porte que deux ou trois milliers, tandis que deux mariniers suffisent à un bateau chargé de trois cents milliers ; un seul bateau rend donc à la culture deux cents hommes et six cents chevaux. » Le travail du duc de Charost, imprimé d’abord dans les procès-verbaux, a été réimprimé à part avec cartes et plans. Il s’agissait de rendre navigables toutes les rivières du Berri, l’Yèvre jusqu’à Bourges, la Creuse jusqu’à Argenton, le Cher jusqu’à Montluçon, l’Indre jusqu’à La Châtre, et de relier toutes ces rivières entre elles et avec la Loire par un ensemble de canaux. En Angleterre, le duc de Bridgewater venait de terminer son fameux canal de Manchester à Liverpool, et le duc de Charost ambitionnait évidemment l’honneur de devenir le Bridgewater de la France. Comme moyens d’exécution, il proposait d’employer dans la province la somme qu’elle payait tous les ans pour la navigation générale, d’inviter les riverains des canaux projetés à contribuer à une dépense qui devait les enrichir, et de solliciter du roi la concession des coupes de la vaste forêt du Tronçais, inexploitée faute de débouchés.

On était alors au plus fort de la guerre d’Amérique, qui ne devait se terminer que par la paix de 1783. La France dépensait 400 millions par an pour son armée et sa marine, et, malgré toutes les ressources de son génie financier, Necker avait quelque peine à pourvoir à ces dépenses par des emprunts. Le moment était mal choisi pour entreprendre des dépenses utiles ; c’était déjà beaucoup que de les préparer. L’assemblée se borna donc à voter de nouvelles études ; elle ne devait s’en occuper de nouveau qu’en 1786, et alors elle vota un emprunt de 150,000 livres par an pendant dix ans. La révolution étant survenue, le projet fut abandonné. Il fut repris en 1807, interrompu encore à la fin de l’empire, repris de nouveau sous la restauration, et, bien qu’il ne soit exécuté qu’en partie, le département du Cher lui doit d’être aujourd’hui le plus riche de France en voies artificielles de navigation. En revanche, le département de l’Indre, qui devait avoir sa part dans le projet du duc de Charost, n’a pas un seul kilomètre de voie navigable.

C’est à la fin de cette session de 1780 que l’assemblée du Berri, sur la proposition de son président, vota l’impression de ses procès-verbaux. « Les désirs d’un grand nombre de citoyens de tous les ordres semblent, dit l’archevêque, en faire une loi, et il est juste de leur accorder une satisfaction si naturelle sur un objet essentiellement lié au bonheur du peuple. » Ces premiers procès-verbaux forment un volume in-4o, imprimé à Bourges.

L’année suivante, Necker n’était plus ministre, et l’institution des assemblées provinciales paraissait menacée de tomber avec lui. La