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et de l’Angleterre, le tchong-ouang adressait, en octobre 1860, aux ambassadeurs une longue dépêche où l’on remarque les passages suivans :


« Pendant l’année courante, me confiant à la puissance du ciel, j’ai réussi à prendre Sou-tchéou et Hang-tchéou, et je serais heureux que les missionnaires de tous les pays voulussent venir et propager au milieu de mon peuple les vrais principes de l’Évangile. Je m’en réjouirais plus que je ne puis dire, désirant que ceux qui n’ont qu’une même doctrine n’aient qu’un seul cœur. La publication de cette doctrine deviendrait alors générale, et le droit chemin serait évident. Avant peu, tout le pays jusqu’à ses extrêmes limites pratiquerait le système de l’adoration du Christ et le publierait sans restrictions. Vraiment ce serait un résultat glorieux et prospère.

« J’ai reçu avec respect le commandement impérial de marcher à travers tous les tchao, les fou et les hienn[1] ; moi-même je désirais avoir une entrevue avec les divers commissaires étrangers, afin de leur fournir des explications et d’obtenir des instructions, de manière à maintenir une bonne entente réciproque. Enfin j’ai marché vers Shang-haï, et subitement vous avez paru enclins à nous témoigner des dispositions hostiles. Or notre dynastie céleste révère le même système céleste que votre honorable pays, et nous appartenons à la même doctrine. Pourquoi donc nous repousser en toute hâte ?

« Maintenant, en ce qui concerne les honorables pays dont les représentans sont à Shang-haï pour favoriser les établissemens de commerce, je désire leur faire remarquer que, pour ce qui regarde les intérêts de ce commerce, la voie nous est toute tracée. Quant à moi, je suis prêt à traiter avec les différens ministres et à observer scrupuleusement les règlemens de douane, attendu que notre dynastie céleste révère le même système céleste que vos honorables pays, en sorte qu’on peut dire que nous tous sous le ciel, qui agissons ainsi, nous appartenons à la même famille. Pourquoi tous les frères des quatre mers dans le monde entier, à l’est, à l’ouest, au nord et au sud, ne pratiqueraient-ils pas la paix et la bonne volonté les uns envers les autres ? Prenant tout cela en considération, je prie vos honorables pays d’avoir des pensées généreuses à notre égard. »


Il y a cinq siècles, un drame national dont les péripéties diverses offrent de frappantes analogies avec les événemens que je viens de raconter s’accomplissait sur le vaste théâtre où Taï-ping-ouang lutte, depuis dix ans déjà, contre la domination mandchoue. — Un trône dont les bases paraissaient inébranlables était violemment renversé. Un puissant souverain allait mourir d’ennui et de misère sur la terre glacée qui avait été le berceau de sa famille. Cet illustre vaincu s’appelait 6houn-ti, il était le neuvième empereur de la célèbre dynastie mongole des Youen, dont Marco Polo s’est fait l’historien émerveillé et consciencieux, et qui avait su imposer à la race

  1. On sait que les tchao et les fou équivalent à des préfectures, et les hienn à des sous-préfectures.