Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lutte acharnée força les assaillans à la retraite. À cette occasion, l’empereur félicita Kiang-tchong-youen ; il lui transmit les insignes de l’ordre de chevalerie Hôh-long, et l’exhorta à faire tous ses efforts pour tenir dans la place jusqu’à l’arrivée des troupes que le commissaire impérial Hiang-yong envoyait à son secours sous les ordres du général Chou-hing-a ; mais lorsque celui-ci parut sous les murs de Lou-tchao, il y vit flotter les bannières de Taï-ping-ouang. Dans la nuit du 14 janvier, cette grande ville était tombée au pouvoir des rebelles, et le gouverneur provincial avait été tué en combattant vaillamment sur la brèche. Hienn-foung, en apprenant la nouvelle de ce désastre, versa des larmes sur le sort de Kiang-tchong-youen. Il ordonna « qu’on lui rendît les honneurs dus à un vice-roi mort au champ d’honneur, que le souvenir de ses fautes fût effacé, et qu’on élevât un temple sur le lieu même où le héros avait succombé, afin d’y offrir des sacrifices à ses mânes fidèles. » Chou-hing-a fut dégradé pour n’avoir pas su secourir à temps Lou-tchao, et Ho-tchoun, qui était placé sous ses ordres, prit le commandement des troupes ; Fou-tsi succéda à Kiang en qualité de gouverneur du Ngan-hoeï.

Dans le Kiang-sou, le haut commissaire Hiang-yong continuait à assiéger Nankin ; mais les troupes de Ki-chen avaient occupé Yang-tchao sans toutefois que cette reprise de possession, qui avait été précédée d’un nouveau revers essuyé par les armes tartares, fût un succès pour la cause impériale. Depuis que Yang-tchao-fou, Koua-tchao et I-tchin étaient tombés au pouvoir de l’insurrection, les détachemens qui avaient pris possession de ces trois places avaient tenté plusieurs fois de se réunir pour échapper à l’armée impériale, qui les pressait de toutes parts. Dans le courant du mois de décembre, ils avaient opéré simultanément plusieurs sorties. Ki-chen les avait toujours repoussés dans leurs retranchemens ; il affirmait avoir tué en différentes rencontres plus de six mille hommes, détruit leurs principales batteries, brûlé plus de vingt jonques, et il avait annoncé à l’empereur que la garnison rebelle de Yang-tchao, réduite à la dernière extrémité par suite des mesures qu’il avait prises, était sur le point de déposer les armes. Cependant cette fois encore la vigilance et l’habileté des généraux de Hienn-foung furent mises en défaut par l’audace de ses ennemis. Informé des dangers que courait la garnison assiégée, le roi de l’est, Yang-siou-tsing, premier ministre et généralissime de Taï-ping-ouang, envoya un corps de troupes à son secours[1]. Il débarqua près de Koua-tchao et se porta immédiatement sur les positions fortifiées occupées par les régimens de la milice de

  1. Lorsque j’ai remonté le Yang-tze-kiang pour aller à Nankin, j’ai rencontré ce corps d’armée, un peu au-dessus de Tching-kiang-fou, descendant le cours du fleuve dans d’innombrables barques.