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DE QUELQUES ERREURS
DU GOUT CONTEMPORAIN
EN MATIERE D'ART

Michel-Ange, Léonard de Vinci, Raphaël, avec une Etude sur l’art italien avant le seizième siècle et des Catalogues raisonnés, par H. Charles Clément ; Paris, 1861.

Le goût des arts est aujourd’hui plus répandu en France qu’il ne l’a jamais été ; mais à coup sûr ce goût, de date toute récente, est beaucoup plus général qu’éclairé. On peut calculer ce que les collectionneurs et les brocanteurs y gagnent ; mais il serait plus difficile de dire ce que l’intelligence de l’art sérieux y a gagné. À vrai dire, je crains fort qu’il n’ait guère servi jusqu’à présent qu’à créer une nouvelle branche de commerce et à donner à quelque ingénieux économiste de l’avenir le sujet d’un ou deux chapitres à ajouter au livre d’Adam Smith, sous ce titre piquant : Du Goût des arts considéré dans ses rapports avec la circulation des richesses et de la réalité substantielle des valeurs fictives créées par les caprices de la mode et de l’opinion. Notre goût pour les arts ressemble un peu à notre goût contemporain pour les vieux livres justement oubliés. Jamais il n’y a eu en France autant de lecteurs que de nos jours ; mais jamais en revanche on n’a réimprimé autant de choses inutiles et oiseuses. Nous avons l’amour des vieux papiers, le fanatisme des chiffons historiques et des loques biographiques. Nous imprimons sous le titre de documens toute sorte d’almanachs moisis et