Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui verser une moindre somme. Ce résultat sera facilement obtenu, si les obligations du vendeur peuvent passer sur la tête de l’acheteur. Dans l’espèce, le vendeur ne se trouve entièrement libre vis-à-vis du Crédit foncier que si un remboursement réel est opéré, et si l’acquéreur contracte un nouvel emprunt. On conçoit tous les embarras d’une pareille opération. Il serait donc utile d’ouvrir un autre mode de libération. Quoique l’obligation de l’emprunteur vis-à-vis du Crédit foncier soit personnelle, comme au fond la dette frappe surtout un immeuble, l’administration du Crédit foncier ne pourrait-elle, pour le paiement des annuités, accepter comme débiteur le nouveau propriétaire au lieu de l’ancien ? On éviterait de la sorte qu’après avoir vendu un immeuble grevé d’hypothèque foncière, le premier propriétaire et tous ses héritiers se trouvassent chargés d’une dette personnelle et solidaire, pendant un quart de siècle au moins, pour une propriété passée en d’autres mains.

Tout en rendant justice à l’esprit d’initiative hardie qui a su élargir d’une si notable manière le cercle d’action du Crédit foncier, on ne peut s’empêcher de remarquer dans quelles proportions se développe la circulation du papier qu’il crée. En une seule année, on a vu émettre plus de 50 millions d’obligations à long terme et près de 30 millions d’obligations communales. Le sous-comptoir des entrepreneurs a ouvert 15 millions de crédits à court terme, et les demandes ont atteint un chiffre deux fois plus élevé. Les emprunts communaux eux-mêmes pourraient être aisément contractés dans une proportion bien plus vaste. Si le Crédit agricole, grâce au mécanisme du sous-comptoir agricole et des sociétés anonymes dont nous avons parlé, voulait favoriser la transformation à bref délai des parties de notre territoire susceptibles d’amélioration, il faudrait, pour répondre à ces besoins, créer des obligations pour une somme annuelle de 100 millions au moins. Une émission de 2 ou 300 millions d’obligations par an, faite par le Crédit foncier seul, est de nature à éveiller l’attention. Les esprits qui vont au bout de toutes les hypothèses, ceux qui supposent encore que notre pays peut traverser des jours d’orage, ne manqueront pas de se demander à quelle dépréciation une telle masse de papier serait exposée. Il est évident que pour les prêts à court terme du sous-comptoir des entrepreneurs et du Crédit agricole, pour le remboursement des dépôts et des comptes courans, le Crédit foncier et ses annexes sont exposés aux mêmes périls que toutes les banques. Quant aux prêts à long terme consentis en obligations et remboursables en obligations, c’est-à-dire à ce qui constitue le fonds essentiel des opérations du Crédit foncier, la pire fortune que la société eût à craindre serait de recevoir au pair ses obligations, rachetées à vil prix dans un moment de