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dette hypothécaire, cette lèpre inguérissable de la propriété française. Il faut reconnaître toutefois que le placement des obligations à 5 pour 100, favorable aux prêteurs et à la société du Crédit foncier, qu’il débarrasse du service de la loterie, rencontre quelques difficultés de la part des emprunteurs : il exige en effet le paiement d’annuités plus fortes. Ainsi, dans un emprunt effectué pour cinquante années, lorsque l’emprunteur ne doit payer pour frais d’administration, d’amortissement et d’intérêt qu’une annuité de 5,65 pour 100 en recevant des obligations à 5 pour 100, le même emprunteur qui reçoit des obligations à 5 pour 100 paie une annuité de 6,06 pour 100. Ce chiffre peut être un obstacle. Une autre différence existe encore entre les obligations à 5 et les obligations à 4 pour 100. Les premières ne sont pas négociables à la Bourse, les secondes, se vendent à terme et au comptant sur nos marchés publics. Comme le remboursement d’un prêt moyennant la remise de titres pareils-à ceux que l’on a reçus est toujours possible même avant l’expiration du terme, on préfère emprunter des titres qui se négocient à la Bourse, et dont l’agio peut donner lieu à un certain bénéfice. Au contraire, les obligations à 5 pour 100 se placent de gré à gré, en province, et ne sortent guère des portefeuilles où elles sont entrées. Il y a là toutefois une sorte de supériorité morale en faveur de ces dernières.

C’est parce que la société du Crédit foncier se renferme de plus en plus étroitement (en ce qui touche bien entendu, les prêts à long terme) dans son rôle d’intermédiaire, que ses opérations ont pris une extension aussi grande. Lorsque la société, sous l’empire des premières illusions, remettait aux emprunteurs du numéraire contre une annuité de 5 pour 100, amortissement même compris, elle avait pu en une seule année, de 1852 à 1853, réaliser pour 27 millions de prêts ; mais dès que sous la pression des événemens elle éleva successivement le taux de l’annuité, on vit les prêts en numéraire descendre au chiffre de 12 millions pour 1855, de 8 millions pour 1856, et cesser presque en 1857. L’année suivante au contraire, à peine le système des prêts en obligations est-il définitivement adopté, que les opérations s’élèvent au total de 30 millions. L’année 1859 réalise pour plus de 26 millions de prêts à long terme. En 1860 enfin, le chiffre, de ces opérations atteint plus de à8 millions, dont 30 millions fournis en obligations rapportant 5 pour 100 d’intérêt sans lots ni primes. Pour multiplier encore les opérations d’emprunt sous cette forme, qui date, on le voit, de 1858, la société du Crédit foncier ne peut employer qu’un moyen, que lui rend facile le succès croissant de’ ses opérations : c’est de diminuer le prix des frais d’administration.