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puisqu’elle placerait le droit de la défense au-dessus des lois, au-dessus des constitutions politiques et judiciaires de tout pays. Cela vaut donc la peine d’être examiné. La question, au surplus, vient à son heure et peut trouver plus d’un éclaircissement dans de récentes publications. En même temps qu’un studieux magistrat, M. Grellet-Dumazeau, essayait de faire revivre les mœurs et les institutions du barreau romain, un savant helléniste, M. Egger, recherchait si la société athénienne a connu de véritables avocats. Il convient d’autant mieux de s’arrêter sur cet important sujet qu’un mouvement très sensible s’est manifesté du côté du barreau dans les pays où, moins heureux qu’en France, il n’a point encore sa constitution et son autonomie. Les divers états de l’Allemagne réclament instamment une meilleure organisation judiciaire, et les mêmes besoins appellent les mêmes vœux en Autriche et en Russie. Là aussi se pose la question de savoir ce qu’est au juste le droit de la défense, et le barreau commence à se demander s’il doit relever de lui-même ou du gouvernement.

Le but de cette étude serait de caractériser le droit de la défense judiciaire et, avant tout, d’en rechercher l’origine : cela est nécessaire en présence des erreurs qui à cet égard se sont accréditées et tendent à prévaloir. Il faudrait examiner d’abord à quelles conditions ce droit peut s’exercer au milieu des institutions d’un grand pays, comment il s’est exercé, comment il s’exerce dans différens états ; on verrait ensuite quelles vicissitudes a subies le barreau français avant d’arriver à sa constitution actuelle, une des meilleures qui existent malgré ses imperfections. C’est alors seulement que viendra la question de prérogative récemment soulevée, et peut-être aurons-nous réussi à démontrer que le chemin le plus long est encore le plus court pour arriver à résoudre cette grave question d’une manière pleinement satisfaisante.


I

La première page de l’histoire du barreau est encore à écrire. D’où vient cette institution ? quelle en fut l’origine ? La doit-on à la Grèce pu à Rome ? Les écrivains ont généralement pris pour point de départ de leurs recherches le barreau romain, et ce barreau, ils l’ont fait descendre du patronat comme de sa source naturelle. C’était méconnaître le caractère de deux institutions à la fois. Qu’était-ce donc que le patronat, si ce n’est un des attributs de la féodalité dans la formation de la société romaine ? Après Niebuhr et Michelet, on ne saurait douter qu’il n’y eût quelque chose de féodal dans une société où le peuple avait été divisé en patriciens et en plébéiens,