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reconnaissent qu’il importe de constater ce fait nouveau par une stipulation particulière insérée au traité général[1]. » Or la stipulation particulière, qui est la condition et la reconnaissance du fait nouveau, c’est, ne l’oublions pas, la quatrième des propositions adoptées à Vienne comme bases et comme préliminaires essentiels de la paix. Cette quatrième proposition est ainsi conçue : « Les immunités des sujets raïas de la Porte seront consacrées, sans atteinte à l’indépendance et à la dignité de la couronne du sultan. Des délibérations ayant lieu entre l’Autriche, la France, la Grande-Bretagne et la Sublime-Porte, afin d’assurer aux sujets chrétiens du sultan leurs droits religieux et politiques, la Russie sera invitée, à la paix, à s’y associer[2] . » Cette proposition de Vienne est devenue l’article 9 du traité de Paris, c’est-à-dire de l’article qui, d’une part, donne acte au sultan « de la communication qu’il a faite aux puissances européennes du firman » qui consacre et établit les droits religieux et politiques des sujets chrétiens de la Turquie, et qui, d’autre part, « constate la haute valeur de cette communication. » Et remarquons bien que ce n’est pas du hatt-humayoun que les puissances contractantes constatent la haute valeur ; c’est de la communication, parce que c’est par cette communication internationale que les droits religieux et politiques des sujets chrétiens de la Turquie sont garantis dans le traité de Paris.

Cette garantie européenne des droits religieux et politiques des sujets chrétiens de la Turquie est la condition sine quâ non de l’entrée de la Porte-Ottomane dans le droit public européen. Si la Porte-Ottomane avait encore le droit de laisser égorger où opprimer ses sujets chrétiens, comme autrefois, sans que l’Europe eût rien à dire, la Porte-Ottomane ne serait point une puissance européenne ; elle serait encore une puissance asiatique ; elle serait en 1453, au lieu d’être en 1856. L’exécution loyale et ferme du hatt-humayoun est une question internationale : l’Europe a le droit de réclamer cette exécution loyale et sincère, car sans cela où serait la haute valeur de la communication qui lui a été faite ? Le hatt-humayoun communiqué ne doit-il valoir que ce qu’il vaudrait s’il n’avait pas été communiqué ?

L’Europe au surplus, dans la convention même qui a autorisé l’expédition de Syrie, l’Europe a montré de quelle manière elle entendait la communication du hatt-humayoun de 1856. Elle a reconnu dans le protocole des conférences de 1860 (séance du 3 août 1860) que les événemens de Syrie étaient une des questions qui touchaient

  1. Congrès de Paris, protocole de la première séance.
  2. Ibid.