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une sorte d’atteinte au droit de souveraineté de sa majesté impériale le sultan[1]. »

Les trois principales idées de cette dépêche du 27 juillet sont : 1o que l’intervention étrangère va faire éclater deux insurrections dans l’empire turc, une insurrection chrétienne et une insurrection musulmane, par contre-coup l’une de l’autre ; 2o que la Porte est assez puissante pour réprimer les désordres, si on la laisse libre d’agir comme bon lui semble ; 3o que cette intervention est une atteinte à son autorité. L’expérience et les documens anglais prouvent que ces deux premières idées sont fausses ; la troisième est réfutée par la simple lecture du traité de 1856 et du protocole du 3 août 1860.


II

Je ne veux faire aucun rapprochement désagréable entre la dépêche du 23 juillet 1860 de lord John Russell et la note turque du 27 juillet : elles ont cependant cette ressemblance curieuse, que toutes deux consentent à l’expédition française de Syrie, tout en exprimant combien cette expédition leur déplaît. Elles disent oui en expliquant toutes les raisons qu’elles auraient de dire non. Pourquoi donc disent-elles oui toutes les deux ? Ici vient la différence essentielle : l’Angleterre dit oui, parce qu’elle est pressée par le cri de l’humanité, qui est tout-puissant sur la conscience anglaise, toujours tenue en éveil par la liberté de ses institutions ; la Turquie dit oui, parce qu’elle est pressée par l’Angleterre. À part cette différence, les deux notes expriment la même crainte sur les effets que doit produire l’occupation étrangère : elle enflammera le, fanatisme musulman, elle amènera de nouvelles catastrophes. Grâce à Dieu, il n’en a rien été. Le fanatisme musulman, si cruel contre les chrétiens désarmés, s’est trouvé résigné et patient devant les chrétiens protégés. Il a murmuré, mais il s’est soumis. La peur a calmé la colère, et dès que la vue de nos uniformes a proclamé la fin des impunités, ç’a été aussi la fin des massacres. Les fanatiques n’ont plus été des bourreaux, ils n’ont plus été que des sectaires tristes et dépités. Pendant qu’à Constantinople et à Londres on répète que si nos troupes s’avancent en Syrie, le zèle des mahométans va s’emporter à je ne sais quels excès horribles, la présence de nos soldats est partout au contraire une garantie de tranquillité et de justice. Sir H. Bulwer écrit de Constantinople, le 1er août 1860, que M. Moore, consul-général anglais à Beyrouth, paraît craindre que l’arrivée des

  1. Recueil anglais, p. 27, no 45.