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presque à chaque pas des indices d’adresse ou d’habileté. À ne parler même que de la peinture de paysage et d’un genre qui y tient de près, — la peinture d’animaux, — bien des œuvres plus ou moins estimables mériteraient d’être mentionnées, depuis les Vues d’Hyères de M. Allongé jusqu’au Paysage de M. Zund, depuis les Troupeaux de M. Auguste Bonheur et le très énergique Combat de cerfs peint par M. Courbet jusqu’au Chien criant au perdu peint par M. Stevens. À quoi bon toutefois cette longue nomenclature ? Elle ne servirait qu’à multiplier les preuves à l’appui d’une vérité déjà manifeste, d’un fait que nous constations au début et que nous rappellerons ici en forme d’épilogue. Il y a au Salon une diversité d’œuvres infinie, mais où est l’originalité véritable ? Le talent même, sauf dans un très petit nombre de tableaux, se réduit trop souvent au témoignage de la dextérité. Les travaux de nos statuaires diffèrent-ils en cela des travaux de nos peintres ? le ciseau se montre-t-il plus ambitieux ou mieux conseillé que le pinceau ? Un coup d’œil sur les morceaux de sculpture exposés dans le palais des Champs-Elysées suffira pour résoudre négativement la question.

S’il fallait en effet juger de l’état actuel de la sculpture en France sur les spécimens qui figurent au Salon, on serait autorisé à dire qu’à aucune époque notre école n’a été aussi pauvre, l’inspiration plus rare, ni l’ensemble des doctrines soumis à un plus humble niveau. Un pareil jugement néanmoins ne saurait être porté sans injustice, puisque la plupart des talens qui soutiennent l’honneur de l’art dans notre pays ne sont pas représentés au Salon ou qu’ils n’y paraissent que sous des formes insuffisantes. MM. Dumont, Duret et leurs confrères à l’Académie des Beaux-Arts se sont, aussi bien que M. Barye, complètement abstenus. Plusieurs statuaires qui devaient leurs premiers succès, il y a dix ou quinze années, à des ouvrages importons, MM. Lequesne et Pollet par exemple, n’ont exposé que quelques bustes. D’autres, dont les débuts appartiennent à une époque plus récente encore, discontinuent déjà la lutte comme M. Allasseur, ou n’y participent, comme M. Gumery, que munis, pour toute arme de combat, d’un modeste médaillon en plâtre. Quant aux athlètes accoutumés de longue main à succomber sans que personne s’aperçoive même de leur défaite, quant à ces artistes, ces praticiens plutôt, dont l’indifférence publique ne lasse pas plus la fécondité qu’elle ne semble blesser l’amour-propre, ils sont en grand nombre comme toujours. Peu s’en faut même qu’ils n’aient pris partout cette année la place des artistes d’élite. Quelques-uns de ceux-ci seulement n’ont voulu ni céder ce terrain qui leur appartient, ni l’occuper plus timidement qu’il ne convenait à leurs antécédens, à leur réputation, à leurs droits de plus d’une sorte. Soit