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plus dignes aussi de l’école française et du rang qu’il y tient ? Nous ne demandons à M. Gérôme ni de changer pour cela sa manière, ni de prétendre à une ampleur dans la pensée et dans le style qu’il ne saurait probablement acquérir : nous lui demandons au contraire de se souvenir davantage de son passé, d’attribuer, aux leçons de l’antiquité le sens qu’il y attachait autrefois. Sans sortir même du cercle des sujets archaïques, il nous suffira d’en appeler du peintre mal inspiré de Phryné et des Augures au peintre du Combat de coqs et d’Anacréon.

Très inférieur à M. Gérôme par le sentiment pittoresque, par la science et la sûreté de l’exécution, par toutes les qualités qui font le peintre, M. Hamon transporte sur la toile quelque chose des intentions littéraires ou plutôt des rêveries mêmes, des caprices indéfinis de la pensée. Idéales jusqu’à l’effacement de la forme, délicates jusqu’à la subtilité, les images qu’indique son pinceau demeurent pour les yeux comme pour l’esprit à l’état d’apparitions flottantes et, si l’on peut ainsi parler, de vapeurs. Tel est le charme, tel est aussi le défaut radical de ce talent : talent gracieusement débile, auquel l’haleine manque pour aller jusqu’au bout de ses propres inspirations, pour atteindre ce qu’il a entrevu, et qui, en poursuivant la poésie, ne réussit qu’à ramasser en chemin les élémens mignons d’un madrigal ou les termes mystérieux d’une charade.

Le nouveau tableau de M. Hamon, l’Escamoteur, est, comme la Comédie humaine, comme d’autres toiles exposées précédemment par l’artiste, une de ces formules à double sens, un de ces petits poèmes ébauchés pour lesquels la peinture n’a pas de nom précis, où elle n’intervient même qu’à un titre vague et conventionnel. Le moyen d’apprécier le dessin, le coloris, là où l’on semble avoir pris à tâche d’anéantir à peu près le dessin et le modelé, de colorier le moins possible, et de réduire l’imitation de la nature à quelques apparences insaisissables ? Comment d’autre part mesurer la portée morale d’une scène où se heurtent les intentions contraires, où les personnages représentés n’appartiennent ni à la même époque ni à la même civilisation ? Qui sait ? peut-être M. Hamon lui-même éprouverait-il quelque embarras à résumer en termes clairs ce qu’il a entendu exprimer ; peut-être, en essayant de rapprocher ainsi le passé et le présent, en voilant sous ces formes équivoques une moralité déjà indécise, n’a-t-il voulu que caresser les surfaces de notre intelligence.

L’Escamoteur, la Volière, et les autres toiles que M. Hamon a exposées, n’accusent pas un progrès, une modification même, dans les habitudes de son talent. Le tout ne fait que continuer, sauf à les amoindrir quelquefois, les intentions, les gentillesses de style, dont