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vague réminiscence religieuse. Il ne faut pas oublier qu’en Angleterre surtout le théâtre est sorti de l’église. Les anciens prêtres catholiques, avec leurs mystères, leurs moralités, leurs miracles, ont été sur la terre actuelle du protestantisme les premiers theatrical managers. Aujourd’hui, il est vrai, le théâtre s’est tout à fait séparé du culte ; mais il n’en est pas moins resté dans les mœurs certaines traces de l’union primitive que la réformation elle-même et le progrès des lumières n’ont pu effacer entièrement. La scène anglaise se trouve encore régie à certains égards par le calendrier et la liturgie ecclésiastiques. Deux fêtes chrétiennes, Noël et Pâques, avaient surtout donné lieu à une forme de divertissements toute particulière. Les Easter entertainments (amusemens de Pâques) ont beaucoup perdu, mais seulement depuis quelques années, de leur antique splendeur. On accuse, et avec raison, les chemins de fer d’avoir contribué à amener ce résultat ; dès le commencement de la semaine sainte, les diverses administrations de railways annoncent aujourd’hui sur tous les murs de Londres et même sur le dos des hommes-affiches des trains de plaisir, des trips, des excursions qui font aux anciennes attractions pascales du théâtre une concurrence redoutable. Beaucoup de familles aiment mieux maintenant aller voir à Douvres, à Brighton ou dans l’île de Wight la fête de la nature renaissante, la mer égayée par un premier rayon de soleil et les oiseaux revenant de l’exil, que d’assister comme autrefois, dans une salle plus ou moins enfumée, aux panoramas mouvans, aux interminables processions de figurans, aux parodies et aux farces qui signalaient dans tous les théâtres cette saison de l’année. Le vieux christmas, ayant le bonheur de venir dans le temps des pluies, de la neige, des jours courts et sombres, a seul conservé ses privilèges. Un fait me surprit en arrivant en Angleterre, ce fut de retrouver dans un tout autre climat et au sein d’une population bien différente la même coutume que j’avais vue florir à Marseille. Il y a pourtant cette différence, qu’à Marseille, durant les fêtes de Noël, on joue pour les enfans de petits mystères sur la naissance de Jésus-Christ, tandis qu’à Londres et dans les autres villes de l’Angleterre, cette même fête de la crèche est joyeusement saluée par des pantomimes qui ont un caractère tout profane.

La pantomime de Noël forme avec le drame shakspearien, — si parva licet componere magnis, — un des genres les plus tranchés du théâtre anglais. Et pourtant qui ne voit que cette forme de pièce n’a point pris naissance dans la Grande-Bretagne ? Les noms d’Arlequin, de Pantalon et de Colombine trahissent sans aucun doute une origine italienne. Le seul personnage anglais de la pièce serait le clown, et encore peut-on lui trouver des traits de ressemblance avec le Scapin napolitain ; mais à quelle époque une troupe italienne