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Les forteresses d’Osopo, de Venise et de Legnago étaient immédiatement remises aux Autrichiens.

Le vice-roi adressa aux troupes françaises qui allaient repasser les Alpes une proclamation dont il faut citer les principaux passages : « Soldats français ! de longs malheurs ont pesé sur notre patrie. La France cherchant un remède à ses maux sous son antique égide, le sentiment de toutes ces souffrances s’efface déjà pour elle dans l’espoir du repos, si nécessaire après tant d’agitation… Vous allez reprendre le chemin de vos foyers. Il m’eût été bien doux de pouvoir vous y ramener… Mais… d’autres devoirs… m’ordonnent de me séparer de vous. Un peuple bon, généreux, fidèle, a des droits sur le restant de mon existence, que je lui ai consacrée depuis dix ans… » On a dans ces derniers temps reproché au prince Eugène d’avoir tenu dans cette proclamation, au sujet du changement de gouvernement qui s’opérait en France, un langage peu convenable de la part du lieutenant, du fils adoptif de Napoléon. On oublie que, pendant les premiers mois qui suivirent la restauration, tout le monde s’exprimait dans ce sens, que Napoléon lui-même à Fontainebleau engageait ses anciens soldats à se rallier aux Bourbons. Les événemens des vingt-cinq dernières années ne se présentaient plus aux esprits que comme un rêve à jamais évanoui. Malheureusement cette disposition ne devait pas durer.

L’armée italienne aurait désiré que le prince Eugène devînt roi d’Italie : elle chargea deux de ses généraux d’en exprimer le vœu aux puissances ; mais ce vœu n’était pas, à beaucoup près, unanime dans le pays. Un parti autrichien s’y était organisé depuis quelques mois, dans lequel figuraient plusieurs hommes importans tombés en disgrâce auprès du vice-roi. Ce parti avait pris au sérieux les promesses d’indépendance faites par la cour de Vienne. S’il comptait peu d’adhérens dans les classes moyennes, il en avait beaucoup dans la noblesse et aussi dans le peuple, poussé à bout par le poids excessif des impôts et surtout par les abus de la conscription. Le 20 avril 1814, une insurrection éclatait à Milan, dispersait le sénat, pillait son palais ; le ministre des finances, que la nature de ses fonctions avait rendu particulièrement odieux au peuple, était assassiné de la manière la plus barbare. La ville se trouvait dans une complète anarchie. C’était à ce moment même que le vice-roi recevait la nouvelle du traité de Fontainebleau, par lequel Napoléon renonçait, pour lui et les siens, à la couronne d’Italie. On lui notifiait en même temps que le royaume d’Italie devait être occupé, au nom des alliés, par l’armée autrichienne. Son rôle était évidemment terminé dans la péninsule. Pour remplir jusqu’au bout ses devoirs envers le peuple qu’il avait si longtemps gouverné, il conclut, le 24 avril, avec le maréchal de Bellegarde, une nouvelle