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du Holstein sur l’affaire de la constitution commune et de la place que ces états prétendaient y occuper. Une constitution commune, promulguée le 2 octobre 1855, n’avait pas contenté le Holstein, et l’Allemagne en avait obtenu l’abolition pour ce duché en 1858 ; il en résultait et il en résulte encore aujourd’hui un état anomal, le conseil commun (rigsraad), qui correspond à la constitution commune et qui la représente, ne réunissant plus que les députés des autres parties de la monarchie sans les députés du Holstein : de là la prétention du Holstein de ne pas obéir aux lois votées par cette représentation incomplète, d’ériger ses états provinciaux en assemblée égale en droits à la représentation holsteinoise qui siégeait au rigsraad, et de continuer d’ailleurs à réclamer la promulgation d’une nouvelle constitution commune. En présence de ces circonstances, le gouvernement danois soumit aux états provinciaux du Holstein assemblés à Itzehoe trois propositions. La première avait pour but de reconstruire la constitution commune : au lieu d’un conseil unique deux chambres, l’une composée par le roi au moyen de choix libres, l’autre élue par les provinces en proportion de la population et de la part contributive aux dépenses communes de la monarchie. On offrait d’investir ces deux chambres de toutes les attributions constitutionnelles, et on eût réduit de moitié le cens électif. La seconde proposition offrait l’arrangement d’un provisoire qui, jusqu’au rétablissement d’une constitution commune, accordait au Holstein une autonomie très large, et donnait à ses états provinciaux le pouvoir législatif et délibératif pour toutes les affaires concernant les rapports entre le duché et la monarchie. La troisième proposition révisait la constitution particulière du Holstein pour ses affaires propres dans un sens très libéral, accordant à l’assemblée provinciale une entière autorité législative et délibérative quant aux lois intérieures, à l’administration de la justice et du culte, et quant au budget spécial du duché ; elle offrait en outre aux Holsteinois toutes les libertés civiles, la liberté de la presse, la liberté d’association, la liberté religieuse, l’indépendance des tribunaux, l’habeas corpus, etc.

Ouverte le 6 mars, l’assemblée holsteinoise s’est terminée le 11 avril, après avoir rejeté toutes ces propositions. À vrai dire, nous ne pourrions décider par lequel des trois refus les Holsteinois, c’est-à-dire les Allemands, qui les soutiennent et les excitent, nous paraissent le plus coupables.

Les états holsteinois ne veulent pas entendre parler d’une refonte de la constitution commune. De quel droit et dans quelle secrète intention ? L’Allemagne elle-même, nous l’avons dit, a imposé au Danemark en 1851-52, bien malgré lui, mais avec l’appui de la diplomatie européenne, ce heelstal ou système d’unité gros de tant de périls. Le Danemark l’a organisé en 1855 de telle sorte que chaque partie de la monarchie, — Danemark propre avec la diète de Copenhague (rigsdag), duché de Slesvig avec ses états provinciaux à Flensbourg, duché de Holstein avec ses états provinciaux à Itzehoe, duché de Lauenbourg avec sa petite assemblée, — fût représentée dans un conseil commun (rigsraad) par un nombre de députés proportionné au chiffre de la population. C’était une détestable organisation, qui mettait en présence, dans l’unique assemblée où se résumait la monarchie danoise, deux nationalités ennemies en les rendant solidaires, c’est-à-dire en risquant presque à coup sûr d’opprimer la plus faible ; mais enfin la diplomatie