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nous, la publication comme malencontreuse. Nous avions lieu de redouter que les opinions de la feuille embryonnaire ne fussent beaucoup moins libérales en réalité que le titre derrière lequel elles se seraient abritées. Nous craignions que la simplicité et la rectitude de la cause libérale ne fussent faussées par cette intervention impolitique. Il est donc probable que nous eussions été obligés d’exprimer des dissentimens formels à l’encontre de cette feuille, si elle eût pu voir le jour. Quoi qu’il en soit, nous eussions pris notre parti de ce contre-temps en libéraux, et nous n’eussions pas voulu qu’une entreprise que nous regardions comme une faute politique fût prévenue par un acte d’autorité. Le gérant de la future France libérale étant mort, le privilège a été retiré par arrêté administratif. Le rédacteur en chef désigné, pensant avoir, lui aussi, des droits au privilège, se pourvoit, dit-on, devant le conseil d’état pour faire trancher ce doute singulier : une autorisation de journal peut-elle être retirée avant que le journal ait commencé d’exister, avant par conséquent qu’il ait pu commettre ce genre d’abus ou de délits qui le soumettent à la pénalité de la suppression administrative ?

Il est un point où nous sommes heureux de ne mettre aucune restriction à l’approbation que nous donnons à la politique du gouvernement : nous voulons parler de la question de la liberté commerciale. Le gouvernement poursuit avec une louable résolution le développement de cette liberté. Voilà le contre-sens de l’échelle mobile qui va disparaître, voilà le principal article de l’alimentation nationale affranchi des renchérissemens artificiels que lui imposait le système protecteur, et le commerce des blés, le commerce qui se charge d’assurer l’approvisionnement du pays, délivré des incertitudes aléatoires auxquelles le soumettaient les capricieuses variations de l’échelle mobile. Il faut aussi ajouter aux actes qui affermissent et élargissent le libéralisme de la politique commerciale du gouvernement le traité récemment conclu avec la Belgique. Nous touchons enfin maintenant à la discussion du budget. La nouvelle prorogation, qui recule jusqu’au 19 juin la session du corps législatif, qui avait été antérieurement prorogé jusqu’au Il juin, sera la dernière. La discussion du budget occupera la fin de cette session ; elle ranimera sans doute un peu le corps législatif, et répandra quelque intérêt sur ses dernières séances. La discussion du budget ne se concentre pas en effet exclusivement sur la question si importante des finances : toutes les questions politiques se rencontrent dans le budget. Espérons que le corps législatif ne négligera pas cette occasion d’attirer sur ses délibérations l’attention du public. Nous avons déjà fait remarquer qu’un intérêt bien moins vif s’était attaché aux séances du corps législatif depuis la publicité que le décret du 24 novembre a donnée aux séances du sénat. Nous avons aussi indiqué les causes de l’infériorité où le corps législatif est placé vis-à-vis du sénat. Le droit de pétition, qui s’exerce auprès du sénat, équivaut indirectement au droit d’interpellation et d’initiative.