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Société des Concerts prétendent intervenir dans un débat où ils sont juges et partie. Il y a de la bienséance de leur part à s’abstenir de toute marque d’approbation qui peut être mal interprétée du public. Après les fragmens de la Damnation de Faust, qu’on ne réentendra pas, j’ose l’affirmer, en pareil lieu, Mme Mattmann a exécuté avec beaucoup de talent le concerto en ré mineur, pour piano et orchestre, de Mozart, auquel a succédé un admirable chœur de Paulus de Mendelssohn, et la séance s’est terminée par la troisième ouverture du Fidelio de Beethoven. — Au huitième concert, après la symphonie en fa de Beethoven, M. Alard a exécuté le concert de Mendelssohn, pour violon et orchestre, avec le style élevé et pur qui distingue cet artiste. On a fini par la bénédiction des drapeaux du Siège de Corinthe de Rossini, qu’on a exécutée deux fois cette année, ce qui est trop. La symphonie en la majeur de Mendelssohn, qui est la meilleure de ce maître et dont j’aime surtout la troisième partie, a ouvert le programme du neuvième et dernier concert ; puis on a redit les fragmens d’Alceste de Gluck, avec Mme Viardot et M. Cazeaux, de l’Opéra. Les fragmens du ballet de Prométhée de Beethoven ont succédé à la scène d’Alceste, et, après un air d’Idomeneo de Mozart, chanté par Mme Viardot, la séance a été close avec éclat par l’ouverture de Freyschütz.

Conduite avec intelligence et une chaleur communicative par M. Tilmant, le chef d’orchestre, qui remplace avantageusement M. Girard, la Société des Concerts a parcouru assez heureusement la trente-quatrième année de son existence. Nous devons cependant lui faire deux recommandations importantes : l’une, de s’efforcer d’enrichir son répertoire de nouveaux morceaux empruntés surtout aux maîtres du passé, de ne pas redire incessamment le même psaume de Marcello, les mêmes chœurs de Handel, et d’oser aborder enfin la musique de Sébastien Bach, ses sonates pour toute sorte d’instrumens, ses cantates, ses oratorios, particulièrement celui de la Passion. Il y a dans l’œuvre immense de ce grand musicien, dont on ne connaît guère que le nom, de quoi exercer la sagacité, le goût et la patience de la Société des Concerts pendant des années. C’est une grande figure historique qu’il faut absolument dévoiler, car c’est dans la musique de Sébastien Bach que se trouvent les origines de toute l’école allemande. L’autre recommandation qu’il importe de faire à la commission qui fixe les programmes des concerts, c’est de se montrer extrêmement sévère sur l’admission des artistes et des œuvres contemporaines qui doivent être entendus aux séances de la Société. La mission de la Société des Concerts n’est pas d’aider à l’éclosion des talens inconnus ou contestés, mais d’exécuter les chefs-d’œuvre, consacrés et de tenir haut le niveau du goût public. La Société des Concerts a commis cette année des fautes qui l’entraîneraient à sa perte si elles devaient se renouveler. Qu’elle y prenne garde !

C’est à la Société des Jeunes Artistes, dirigée avec tant de zèle par M. Pasdeloup, qu’il appartient d’être téméraire et de beaucoup oser. Cette institution