Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/735

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frontière. Cette combinaison est si ruineuse et si extravagante au point de vue de nos intérêts que nous ne devons même pas y songer, et comme l’état ne peut nous forcer de mettre à exécution un tracé qui dénature et aggrave les conditions essentielles de notre concession, nous croyons inutile de le discuter. » Si la compagnie des chemins de fer navarais a le droit de se refuser ainsi à cette solution et qu’elle ne veuille pas céder, la discussion est en effet inutile.

Pendant que M. Arnao étudiait le tracé dont on vient de parler, M. Salamanca, voulant éclairer cette question, demanda l’autorisation de faire exécuter les études d’un chemin qui, partant de Pampelune, irait rejoindre la voie du nord à Irun par la vallée de la Bidassoa. Dans ce projet, élaboré par un autre ingénieur espagnol, M. Retortillo, la direction par Irurzun est abandonnée ; la ligne, suivant la rivière d’Ulzama et son affluent l’Orqui, vient aborder les Pyrénées après de nombreux détours, les traverse par un tunnel de près de 3,000 mètres, puis, suspendue au flanc des montagnes, elle descend dans la vallée de la Bidassoa, qu’elle suit jusqu’à Irun, où elle vient s’embrancher sur la grande artère du nord. De cette façon, elle atteint un développement de 103 kilomètres ; bien que plus désavantageux que celui des Alduides, ce chemin est plus court que celui de Tolosa et que celui d’Alsasua ; il est de 137 kilomètres jusqu’à Bayonne. Si les fortes pentes étaient le côté défectueux du projet des Alduides ici ce seront les courbes à faible rayon. En effet, elles atteignent sur deux points 250 mètres de rayon, tandis que les rampes ne s’élèvent pas au-dessus de 1,5 pour 100 ; mais un examen plus approfondi de ce projet pourrait améliorer encore le tracé horizontal de M. Retortillo, dont les études de détail ont été faites avec la plus grande exactitude d’ailleurs. Que faudrait-il pour cela ? Admettre des pentes plus fortes que les pentes adoptées, et allonger un peu les tunnels. Il est fort probable que l’on arriverait ainsi à un tracé de tous points acceptable au point de vue de l’exécution. Le budget d’un pareil tracé s’élèverait alors à 63 millions de fr., soit 611,600 fr. par kilomètre. Tel est le compromis proposé par la compagnie des chemins de fer navarrais.

Ce qu’il y a de curieux à remarquer ici, c’est que cette solution comporte immédiatement la création d’un centre commercial dans une des meilleures baies de la côte espagnole, celle au bord de laquelle est bâtie la petite ville du Passage. Lorsque l’on abandonne Irun pour se diriger vers Saint-Sébastien, la route, si pénible de Bayonne jusqu’à la frontière, devient ici plus riante et plus pittoresque ; à chaque détour du chemin, à travers une échappée, on aperçoit l’Océan. Tout à coup on se trouve en face d’un lac immense ou plutôt d’une baie ; dans le plus délicieux recoin, on découvre