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elles les caractères et les contrastes les plus variés. Comment l’Espagne a-t-elle lutté contre des conditions si défavorables, compliquées trop souvent par les rivalités locales ? que fait-elle encore aujourd’hui pour s’y soustraire ? Ce sont des questions qui empruntent à des faits récens un sérieux intérêt.


I

L’Espagne et le Portugal forment la plus importante des presqu’îles de l’Europe. La péninsule ibérique n’est reliée au continent que par sa frontière du nord, les Pyrénées, qui de la Méditerranée à l’Océan n’offrent pas moins de 550 kilomètres de développement. Cette chaîne de montagnes l’isole de la France et semble lui fermer toute autre issue que la mer. Presque toute la Péninsule est divisée en bandes transversales par ses montagnes, qui se dirigent généralement de l’est à l’ouest, de la Méditerranée à l’Océan. Au nord, on trouve les Pyrénées et les Asturies, dont les escarpemens viennent se perdre en France et dans le golfe de Gascogne, découpant une zone étroite dont toute la vie est commerçante et maritime. Plus bas, on rencontre une chaîne qui, partant de Lisbonne, traverse le Portugal sous divers noms, vient se souder en Espagne à la grande chaîne du Guadarrama et se perdre vers les sources de l’Èbre, près desquelles s’élèvent les monts de Castille, qui vont eux-mêmes rejoindre les Asturies, fermant ainsi d’un côté le bassin arrosé par le Douro et ouvrant de l’autre vers la Méditerranée celui de l’Èbre. Cette vaste région est agricole et industrielle, agricole dans le royaume de Léon, la Vieille-Castille et l’Aragon, industrielle en Catalogne. Au-dessous, prenant encore naissance en Portugal, les monts de Tolède viennent se terminer à la source du Tage, dont ils délimitent ainsi le bassin, qui comprend eh Espagne la Nouvelle-Castille avec la capitale de la monarchie et une partie de l’Estramadure. La Sierra-Morena, naissant sur le bord de l’Océan et se prolongeant jusqu’à la Méditerranée, laisse entre elle et les monts de Tolède cette immense vallée du Guadiana, une des régions les plus riches et les moins connues de l’Espagne. Enfin la Sierra-Nevada vient encore découper la vallée du Guadalquivir d’un côté, de l’autre la zone maritime qui de Carthagène s’étend jusqu’à Cadix ; Si, en accompagnant les grands fleuves de la Péninsule vers l’Océan, où ils se déversent, ces chaînes ont des allures bien marquées et délimitent bien les vallées, il n’en est pas de même à mesure qu’elles se rapprochent de la Méditerranée. On dirait qu’elles se réunissent en faisceaux vers l’est pour intercepter la communication entre le bassin méditerranéen et la partie occidentale. C’est dans ce dédale de montagnes que prennent naissance les petits fleuves de Segura