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que s’est développée la prospérité industrielle et agricole d’un pays que la nature semblait avoir condamné à vivre dans la pauvreté[1]. Ne profiterons-nous pas enfin de cette leçon sans cesse remise sous nos yeux ? On nous trouverait sans nul doute hardi de proposer l’adoption de ce système, quoique tout le monde puisse en constater les bienfaisans effets. Nos vœux sont plus modestes. Nous ne demandons que le rétablissement et la multiplicité des banques départementales pour satisfaire à toutes les exigences et parer à tous les dangers dont nous sommes entourés.

Nous sommes arrivés en effet à une situation critique qui nous commande de prendre sans retard des mesures de prévoyance. Les clameurs de l’opinion publique contre certains procédés employés pour inaugurer l’ère de l’association des capitaux, les excès et les désastres qui en ont été la conséquence, en provoquant les crises qui détruisent les fortunes privées, menacent de compromettre tous les progrès dans lesquels nous sommes engagés. Il serait imprudent d’attendre que l’heure des liquidations ait sonné pour combattre les défaillances de la confiance générale et songer à faire entrer les affaires dans une nouvelle voie lorsque tous les chemins auront été obstrués par des débris. Il faut se mettre résolument et immédiatement à la tâche. Ce que nous avons dit, ce que nous avons proposé dans cette étude, à savoir la décentralisation du crédit, la création de centres divers pour servir, sur tous les points du pays, à l’expansion du travail, n’a pas seulement pour but de prévenir les crises financières, mais de préparer et d’assurer le nouvel avenir des affaires. Les moyens dont on a usé et abusé depuis dix ans ont fait leur temps ; il faut en créer d’autres. Si on voulait une preuve de cette nécessité, nous la trouverions dans les embarras que cause au gouvernement l’établissement du troisième réseau des chemins de fer ; On peut dire qu’il ne sait comment l’entreprendre. Il a une tendance à le constituer dans les conditions de la loi de 1842 ; mais dans ce cas il a besoin d’un emprunt, et il ne peut pas le faire dans les circonstances où nous sommes. Les lois qui ont été décrétées pour ce troisième réseau sont insuffisantes, parce qu’elles reposent sur des procédés qui ne peuvent plus réussir vis-à-vis du public ; il est donc indispensable d’organiser quelque chose de nouveau[2]

  1. La circulation moyenne des banques d’Ecosse, dont la moitié à peu près est composée de billets de 1 livre sterling, est approximativement de 4 millions de livres sterling, soit 100 millions de francs pour une population de 2,890,000 habitans.
  2. L’emprunt de 104 millions en bons trentenaires soumis au corps législatif n’a rien à faire, on le sait, avec la construction du troisième réseau des chemins de fer ; il est réclamé pour permettre au gouvernement de tenir les engagement qu’il a pris en 1859 pour l’achèvement du second réseau, lesquels engagemens sont évalués à plus de 200 millions.