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de transaction dans les nouveautés politiques, » a dit Joubert. Des banques départementales, par leurs émissions, non-seulement combleraient les vides laissés par l’abstention des détenteurs de capitaux, mais elles aideraient encore à remplir les lourds engagemens que nous avons contractés, et prémuniraient le pays contre cet engorgement périodique des valeurs mobilières, qui est, nous l’avons dit, la source principale de nos embarras. Cependant cet encombrement des valeurs publiques ne peut que s’accroître, car nous sommes contraints d’en créer tous les jours de nouvelles. Leur libre et facile circulation va devenir, nous croyons l’avoir fait comprendre, une des plus grosses questions de notre économie intérieure. Déjà nous avons vu la Banque de France, en venant plusieurs fois au secours des compagnies de chemins de fer pour le placement de leurs obligations, être entraînée à prêter son patronage et son concours à la diffusion de cette sorte de titres mobiliers, et dénaturer ainsi complètement sa mission de banque industrielle et commerciale. Il n’est pas douteux que toutes les forces de cette institution auront désormais une destination autre que celle que l’opinion générale leur donne ; mais la place qu’occupait la Banque de France comme banque d’escompte au service presque exclusif du commerce et de l’industrie, cette place ne peut pas rester plus longtemps vide sans qu’il en résulte un dépérissement dans l’exploitation ou l’accroissement de notre richesse et dans le chiffre des bénéfices annuels qui augmentent notre fortune. Or on a vu que ces bénéfices n’avaient pas suffi à tous les engagemens pris depuis dix ans, et la diminution de ces revenus serait une véritable calamité.

Il n’est donc pas seulement urgent que la France ne voie pas décroître sa prospérité, il est utile qu’on lui donne les moyens de mettre en œuvre tous les germes de fécondité qu’elle renferme. C’est en multipliant les instrumens de crédit qu’on obtiendra ces résultats. Lorsque l’on discutait au conseil d’état l’organisation de la Banque de France, l’empereur Napoléon disait : « Il n’y a pas en ce moment de banque en France, il n’y en aura pas de quelques années, parce que la France manque d’hommes qui sachent ce que c’est qu’une banque. C’est une race d’hommes à créer[1]. » Cette race d’hommes est créée, et tout le monde sait maintenant en France ce que c’est qu’une banque. C’est une éducation faite, et dont on doit chercher à recueillir les fruits. La multiplicité des banques amènerait l’émancipation de l’individu, maintenant entravé dans sa marche par la pénurie des ressources mises à sa disposition, ou effacé par les êtres collectifs ; elle donnerait en outre naissance, dans les chefs-lieux

  1. Séance du 2 avril 1806.